Conférence commémorative Spry 1999
Voulant discuter particulièrement des réseaux de diffusion publics dans des pays tels que le Canada et L’Australie, j’aimerais commencer cette allocution en examinant quelques-unes des hypothèses qui sont à la base de la radiodiffusion en général. Ceci est dans le but de pouvoir reconsidérer leur utilité par rapport aux nouvelles technologies et aux défis que nous confrontons avec la venue d’un nouveau millénaire. Quel rôle, s’il y en a un, les gouvernements devraient-ils jouer dans la réglementation de la radiodiffusion ? Quel serait l’apport des organismes nationaux de réglementation dans ce qu’on appelle le village global ? Comment les justifications d’ordre historique de la réglementation qui se manifestent dans des pays comme le Canada et l’Australie par exemple, peuvent-elles nous aider à comprendre l’autorégulation en tant que recherche d’équilibre entre l’efficacité d’une industrie d’une part et les attentes du public d’autre part ? En soulevant à nouveau ce genre de questions, je souhaite donner une interprétation quant à comment les systèmes autorégulateurs sont nécessaires pour assurer l’intérêt public, surtout dans le domaine des nouvelles technologies de diffusion tel que l’Internet.
Quel rôle un gouvernement devrait-il avoir dans la réglementation de la radiodiffusion ? À partir des idées du philosophe Rousseau, j’entame une première réponse à cette question en discutant tout d’abord de la nature même du gouvernement, et particulièrement comment des gouvernements qui sont élus démocratiquement sont dans l’obligation de faire valoir le bien public consenti lors de leur élection. Comme principe gouvernant le processus de décision publique, ainsi que le résultat d’un tel processus, je propose que le concept de bien public, envisagé comme quelque chose qui n’est ni fixe ni monolithique mais déterminé par certaines circonstances, offre la seule justification possible aux gouvernements pour réglementer la société en général et la radiodiffusion en particulier.
Aux États-Unis, au Canada, au Royaume-Uni et en Australie, la radiodiffusion a été réglementée traditionnellement car les ressources étaient limitées, à savoir le spectre des fréquences de diffusion.
Je suggère qu’à la base de ces justifications repose le sentiment que la réglementation gouvernementale a pour objectif d’assumer la responsabilité sociale ou “civique” du contenu de la radiodiffusion, ainsi formulée dans la charte de la BBC qui vise à “informer”, à “éduquer” ainsi qu’à “distraire” le public.
Les gouvernements ont reconnu l’influence considérable de la radiodiffusion sur la société en tant que phénomène de masse, et l’ont de plus en plus pris en charge comme leur responsabilité publique, et ce faisant, ils ont modifié la fonction de la réglementation pour tenir compte des problèmes actuels – la qualité du contenu et le besoin de recevabilité en matière de radiodiffusion, surtout lorsqu’il s’agit de la représentation de la violence et du sexe, de la promotion de la culture nationale, de l’éducation publique, du besoin d’information et de programmes de variétés.
Depuis 1986, dans des pays tels que le Canada et l’Australie, les gouvernements ont reconnu ce nouveau modèle civique de radiodiffusion en restructurant le cadre de réglementation afin d’encourager des formes d’autorégulation. Là où l’instance de réglementation peut intervenir si la l’industrie fait défaut, le système est plus précisément décrit comme une “co-régulation” et c’est ce qui est à la base du modèle australien pour la radiodiffusion.
Cette allocution traite donc de l’expérience australienne en particulier comme un cas typique de la radiodiffusion en général, et examine comment les changements dans l’histoire de la radiodiffusion australienne de 1932 à 1999 marquent une évolution d’un système régulateur gouvernemental vers un système co-régulateur basé sur des consultations. Ils reflètent aussi un changement fondamental de perception allant des questions relatives au bien et à la propriété publique à des questions de promotion et de protection de l’intérêt public et de la culture nationale. Mon argument est que le plus grand défi pour la co-réglementation australienne, de même que pour d’autres systèmes de co-réglementation et d’auto-réglementation à travers le monde, consiste en une défense vigoureuse de l’intérêt public et de l’identité culturelle face à la pression de l’industrie pour mettre à l’écart les questions de ce genre.
Ce défi s’applique à la perfection au cas d’Internet, qui devrait à mon avis être assujetti à des formes d’auto ou de co-réglementation similaires à celles de la radiodiffusion. À l’opposé des cadres régissant la réglementation des médias traditionnels, l’Internet requiert une législation dont la capacité serait d’imposer des normes nationales de manière efficace en même temps que de développer des normes à un niveau international. Il s’avère donc qu’il existe un besoin de coopération internationale important dans le but de créer des liens technologiques et législatifs afin de considérer la nature transnationale de l’Internet et les nombreuses notions divergentes quant à l’intérêt public qu’il engendre en tant qu’environnement international.
Les approches régulatrices sur lesquelles je me penche en Australie, au Canada et au Royaume-Uni cherchent à exprimer un équilibre entre d’une part la libre expression et d’autre part le droit des communautés à décider de leur intérêt local et national. Ma conclusion est qu’une telle approche, se basant sur une coopération étroite entre l’industrie et l’intérêt public, représente une alternative vibrante et démocratique allant à l’encontre du modèle américain où toute discussion de réglementation est dominée par le lobby de la libre expression au détriment de l’intérêt public en général.
1 – Introduction
C’est un très grand honneur pour moi d’avoir été convié par les Professeurs Raboy et Caron pour exposer la Présentation Spry Memorial de 1999. Ces dernières années, ces allocutions se sont concentrées sur le rôle des organismes de diffusion publics, ce qui est tout à fait approprié étant donné la contribution éminente de Graham Spry au rôle de la diffusion publique en Amérique du Nord. Dans ma présentation, bien que je donne mon point de vue sur le rôle crucial que jouent et que doivent jouer, selon moi, les organismes de diffusion publics dans des pays tels que l’Australie et le Canada, je désire aller au-delà du rôle de l’organisme public de diffusion, et examiner une question tout à fait fondamentale : Pourquoi, alors que nous nous dirigeons vers l’ère numérique de fréquences abondantes, les gouvernements doivent-ils continuer à jouer un rôle important dans le développement et la mise en place de régimes régulateurs de la diffusion ? Et si les gouvernements continuent à s’impliquer dans le processus, quel doit être le modèle adéquat à suivre ? Et quelles actions ces approches de la diffusion ont-elles, avec l’engouement croissant pour Internet et les autres services en-ligne, en Europe, en Amérique du Nord et en Australie ? Je crois qu’il est impossible d’examiner minutieusement ces questions sans se heurter au sujet fondamental des rôles respectifs des gouvernements, des parlements, des organismes régulateurs, du secteur et des citoyens à titre individuel, à l’aube du vingt-et-unième siècle. Il est à la mode de parler de village mondial, de société mondiale, d’industries mondiales et de marchés mondiaux, mais qui gère le mondial à l’échelon mondial ? Qui crée les éléments de gestion qui existent et qu’en est-il du citoyen individuel de l’état-nation en tant que participant à la prise de décision régissant cette gestion ?
Je n’hésiterai pas à suggérer que la justification d’ensemble de toutes formes de gestion à tous les niveaux doit être le bien public. Mais qu’est-ce que le bien public, comment le définir et qui en décide ? Quelle doivent être les modalités de cette gestion -qui s’en charge ? Les gouvernements eux-mêmes, les parlements, les organismes régulateurs, les tribunaux ou les organismes du secteur ? Encore une fois, je n’hésiterai pas à suggérer que dans des sociétés telles que la nôtre, tout système doit reposer sur la consultation et le consentement du citoyen individuel, par le biais de processus démocratiques. Si les secteurs cherchent à se gérer eux-mêmes par le biais de l’auto-régulation, la justification ne doit pas être que cela profite au secteur, mais plutôt au citoyen, par une meilleure administration, de meilleurs systèmes, une meilleure responsabilisation et de meilleurs résultats. Comment consulter l’idée que le citoyen se fait sur le bien public, comment exprimer ses inquiétudes sur la façon dont les services sont fournis ou sur le contenu de ces services ? Ces questions mènent à penser qu’il faut rechercher un équilibre entre l’efficacité du secteur d’une part, et les attentes du public d’autre part, et que les systèmes doivent être instaurés pour garantir que, lorsqu’il y a conflit, c’est en fin de compte l’intérêt public qui prime lors de la prise de décision. Si tel est le cas, il doit exister un organisme qui puisse défendre l’intérêt public dans des processus comme la fourniture de services de diffusion et de services en-ligne. La mise en place par le parlement d’un tel organisme, et son interaction avec les citoyens, les politiciens et les organismes du secteur, produit un cadre réglementaire qu’on qualifie souvent d’auto-régulation, mais qui en fait, devrait plus justement s’appeler co-régulation – c’est à dire qu’un équilibre est atteint entre le besoin d’un secteur bien établi, à évolution rapide, comme la diffusion qui accepte ses responsabilités, et le besoin des citoyens individuels d’avoir les moyens de s’assurer que leurs intérêts seront sauvegardés lors de la mise en œuvre de régimes auto-régulateurs. Dans mes commentaires écrits, mais non pas dans mon intervention orale, j’explore en partie l’historique de la régulation de la diffusion en Australie. Dans ce discours, je montrerai comment les leçons tirées de l’expérience australienne avec le secteur de la diffusion ont été pertinentes, lors d’une réflexion sur le cadre approprié pour traiter au moins quelques unes des nombreuses questions liées aux services en-ligne en Australie. En fin de compte, je reste le défenseur du rôle que doit jouer un pays ou un état dans la décision de gérer ses propres affaires, malgré les développements internationaux récents en Yougoslavie qui s’opposent à ce principe. Mon raisonnement est, fondamentalement, qu’aujourd’hui les besoins et les droits du citoyen individuel sont primordiaux, et qu’à l’aube du troisième millénaire chrétien, il n’existe pas d’organisme international ou trans-national capable de prendre des décisions, autre que le Parlement Européen, mis en place par le processus démocratique du choix des citoyens. Partout où les parlements nationaux sont les organismes qui donnent corps à la voix et au choix des citoyens individuels, il sera opportun, voire souhaitable, que ces parlements nationaux établissent les politiques et les règles pour le bien public.
2 – Le concept du gouvernement pour le bien public
La récente intervention de l’OTAN en Yougoslavie a remis en question l’intégrité incontestable de l’état-nation comme arbitre suprême des destinées de ceux qui vivent à l’intérieur de ses frontières. Vaclav Havel, humaniste éminent, a déclaré dans “le Kosovo et la Fin de l’Etat-Nation” qu’il y avait tout lieu de croire que la gloire de l’état-nation en tant que summum de l’histoire de chaque communauté nationale, et en tant que sa plus haute valeur sur terre… a déjà dépassé son apogée, parce que
les êtres humains sont plus importants que l’état…L’état est une création humaine (mais) les êtres humains sont une création de Dieu. Au cours du siècle à venir, je suis d’avis que la plupart des états vont connaître une évolution, depuis des entités cultes vers des unités administratives moins puissantes et moins rationnelles, qui ne représenteront qu’une des façons multiples, complexes et de différents niveaux, d’organiser notre société planétaire. (Les) conditions vers lesquelles l’humanité se dirigera, et doit se diriger, dans l’intérêt de sa survie, seront probablement caractérisées par un respect universel et mondial des droits de l’homme, par une égalité civique universelle, par le cours de la loi et par une société civile mondiale (1).
Bien que j’admette que ces remarques reflètent une grande sagesse et prévoyance, je pense aussi qu’elles renferment le cœur de l’énigme – si l’on doit donner protection, reconnaissance et une voix à l’individu humain, alors qui d’autre que les parlements et gouvernements nationaux constitués selon les lois et démocratiquement élus peuvent le faire ? Des organisations comme les Nations Unies et l’OTAN ne sont pas élues démocratiquement et ne sont pas, sauf de la façon la plus indirecte, responsables des actions des citoyens individuels. Le seul organisme véritablement trans-national à forme constitutionnelle, et dont les pouvoirs législatifs sont démocratiquement choisis par des citoyens individuels, est le Parlement Européen, dont le mandat est limité. Bien que Vaclav Havel propose une voie que l’humanité pourrait emprunter, nous ne sommes qu’au tout début d’un tel parcours. A l’heure actuelle, dans de nombreuses régions du monde, seuls les parlements nationaux et les gouvernements qui tirent leur mandat d’une élection démocratique peuvent être considérés comme donnant voix au citoyen individuel, et doivent donc être perçus comme la voix la plus appropriée du citoyen individuel, pour des questions de politiques, de législation et d’administration des affaires de l’homme.
En adoptant ce point de vue, je soutiens la position de Bernard Manin dans son essai intitulé ‘De la Légitimité et de la Délibération Politique’ :
« que la loi légitime soit le résultat de délibérations générales, et non l’expression de la volonté générale” et que “c’est le processus par lequel la volonté de tous est formée qui confère sa légitimité au résultat, plutôt que la somme des volontés déjà formées. Le principe de délibération est à la fois individualiste et démocratique. Il implique que tous participent à la délibération, et c’est à ce titre qu’il est raisonnable de considérer que la décision prise émane du peuple » (2).
Comme je l’ai déjà dit, à l’échelon international, autre que dans les processus d’élection pour le parlement européen, il n’existe pas d’organisme de prise de décision qui donne une expression démocratique aux opinions des citoyens individuels pour le modelage des règles qui gouvernent la race humaine. Il n’existe pas non plus de signe que dans les décennies à venir, de telles institutions verront le jour. L’état-nation pourvu de processus démocratiques reste, dans un futur proche, l’unité la mieux équipée pour permettre au citoyen individuel la possibilité, libre et juste, d’intervenir dans le modelage d’une décision, par le choix de parlements, la mise en place de gouvernements, l’adoption de législation et la prise en charge de l’administration. Malgré toutes les imperfections qui existent dans ce cadre, le processus démocratique ne compte pas de véritable rival qui puisse revendiquer le même respect ou la même légitimité. Les défenseurs les plus extrêmes du cyber-espace pensent peut-être qu’ils le peuvent, mais tel n’est pas le cas, et je ne pense pas que cela change dans un futur proche.
Donc, étant donné mon point de vue selon lequel seul, un état-nation reposant sur des processus démocratiques peut fournir un moyen approprié pour l’expression du citoyen individuel dans le modelage des lois et les formes de gestion, quelle est, ou devrait être, la finalité que visent ces nations par le biais de la remise du gouvernement, de la législation et de l’administration ? J’aimerais suggérer que la réponse à cette question est simplement que l’état doit agir dans tous ces processus dans l’intérêt public, afin de garantir le bien public.
3 – L’intérêt public et le bien public
Jean-Jacques Rousseau a suivi une voie simple et déterminée, lorsqu’il cherchait à cerner comment identifier le bien public :
« La volonté ferme de tous les membres équivaut à la volonté publique. Par son application, ils sont citoyens, et libres. Lorsqu’une loi est proposée dans l’assemblée du peuple, ce qu’on demande au peuple n’est pas précisément s’il approuve ou rejette la proposition, mais plutôt si celle-ci est conforme à la volonté publique, qui est aussi la sienne. En votant, chacun donne son avis sur la question, et la volonté publique est ensuite déduite en comptant les votes… Il découle de ce qui précède que la volonté générale est toujours juste et qu’elle tend toujours vers le bien public » (3).
Sur cette base, nous pourrions conclure que toute expression de la volonté générale par le biais de processus démocratiques serait toujours en faveur du bien public.
Cependant, même Rousseau admettait les défauts inhérents à une telle approche:
« L’on recherche toujours son propre bien, mais on ne le voit pas toujours. Le peuple ne peut être corrompu, mais il est souvent trompé, et c’est seulement alors qu’il semble souhaiter ce qui est mauvais » (4).
Bien que je ne veuille pas être amené ici à explorer les différentes tendances des théories juridiques, d’une part représentées par Grotius, Pufendorf, Locke et d’autres, et Hobbes et Rousseau d’autre part, il semble que dans les deux cas il existe un lien réel entre le concept du bien public, la protection des droits de propriété du citoyen individuel et la sécurité de l’individu et de ses biens. C’est la réconciliation de ces points de vue qui est reflétée dans les paroles d’un document tel que la “Déclaration des Droits de l’état de Virginie”, affirmant dans la section 1 que :
« tous les hommes sont par nature également libres et indépendants et ont certains droits inhérents qui, lorsqu’ils participent à un état de société, ne pourront par aucun moyen être enlevés à leur descendance; à savoir, la jouissance de la vie et de la liberté, avec les moyens d’acquérir et de posséder des biens, la sécurité, ainsi que la poursuite et l’obtention du bonheur » (5).
Le bien public peut donc être considéré comme un amalgame des droits et avantages individuels, notamment en ce qui concerne la propriété et la sécurité. Cependant, il doit inévitablement exister une rivalité entre les droits, avantages et ce qui revient de droit aux nombreux individus qui composent une communauté ou une nation. Lors de l’identification de l’intérêt public pour garantir le bien public, il convient donc de rechercher un équilibre entre les droits -et ce qui revient de droit à un citoyen donné-, et les droits plus larges de la communauté entière à la stabilité et à l’ordre. Il s’agit du rôle des parlements et des politiciens. Je considère aussi que c’est le rôle de tout organisme administratif chargé d’administrer les lois dans de tels sociétés ou pays. La loi dite ‘Broadcasting Services Act 1992’ en Australie reconnaît que, pour un organisme de ce type, il convient d’équilibrer des domaines en concurrence, en stipulant à la section s. 4 (2) que le Parlement
« prévoit que les services de diffusion en Australie soient régulées de façon à permettre, selon l’ ‘Australian Broadcasting Authority’, que des considérations d’intérêt public soient traitées de façon à ne pas imposer des fardeaux financiers et administratifs superflus aux fournisseurs de services de diffusion » (6).
En 1997, l’administration actuelle des Etats-Unis d’Amérique souligna l’importance de l’intérêt public en établissant le Comité Consultatif sur les Obligations d’Intérêt Public des Diffuseurs de Télévision Numérique, afin de recommander des obligations juridiques appropriées et des règles de marché pour l’ère de la télévision numérique. Ce comité lui-même a fait référence à l’une des déclarations majeures du début du développement de la politique de diffusion des Etats-Unis, un discours de Herbert Hoover, Secrétaire au Commerce des Etats-Unis, lors de la Quatrième Conférence Radio Nationale à Washington DC en novembre 1925, dans lequel il précisa que:
« l’éther est un environnement public, et son usage doit présenter un avantage au public…L’élément dominant qui mérite considération dans le domaine de la radio est, et sera toujours, le très grand nombre des auditeurs publics, plusieurs millions d’entre eux, et répartis dans l’ensemble du pays » (7).
Bien que les philosophes politiques prennent peut-être le luxe de proposer des théories absolues qui sous-tendent des concepts de gestion, l’administrateur que je suis ne peut se permettre de concevoir le monde dont nous parlons, de façon trop rigide ou structurée. La matière et la société sont plus fluides que ne le pensaient Locke ou Rousseau. Par conséquent, aucune règle absolue ne peut être mise en pratique. Toutefois, j’aimerais proposer quelques principes afin de nous concentrer sur ces questions jumelées de l’intérêt public et du bien -ou de l’avantage- public, comme suit:
- L’intérêt public est l’intérêt que les gouvernements, les parlements et les administrateurs doivent accepter, du moins dans les nations gouvernées de façon démocratique, et refléter dans les lois, les politiques, les décisions et actions garantissant la paix, l’ordre, la stabilité, la sécurité de l’individu, la propriété, l’environnement, et les droits de l’homme pour le bien-être généralisé de la société et de la nation qui, par le biais de la constitution et des élections, permettent au citoyen individuel de renouveler et d’exprimer son accord et son consentement à être gouverné et administré de la sorte.
- Lors de la recherche de l’intérêt public, il convient, de temps à autre et selon les circonstances, de réévaluer la nature de l’intérêt public dans chaque cas, car l’intérêt public n’est ni constant ni sans changements dans toutes les situations.
- Bien que les droits des citoyens, et ce à quoi ils ont droit, doivent être d’importance primordiale pour évaluer l’intérêt public, le besoin de garantir l’ordre, la stabilité, la sécurité de l’individu et des biens exige qu’existent des institutions démocratiques pour identifier le besoin de garantir le bien-être économique, susceptible de procurer l’emploi et la prospérité généralisée, la fourniture de services, d’alimentation, de vêtements et de logement, qui sont tous essentiels au bien-être général du citoyen individuel.
- En conséquence, les sociétés démocratiques et leurs institutions doivent, dans le cadre de leur recherche de l’intérêt public, atteindre un équilibre entre les besoins du citoyen individuel et ceux des sociétés qui, bien que dépourvues d’un droit de vote dans le processus démocratique, sont essentielles à la création d’emplois, aux revenus, à la prospérité, et la fourniture de biens et services nécessaires au bien-être du citoyen individuel.
- Les parlements eux-mêmes ne sont pas à même d’établir tous les indices d’évaluation de l’intérêt public dans toutes les circonstances, et les institutions doivent, puisqu’elles opèrent sous l’égide des parlements, entreprendre la tâche déléguée d’évaluer où se situe l’intérêt public et comment l’atteindre au mieux en fonction des problèmes et circonstances donnés.
- De telles institutions doivent entreprendre une consultation et une recherche auprès du public, et se fonder sur des données précises pour jouer leur rôle.
- Le citoyen, personne individuelle ou société, doit être consulté par de tels organismes afin d’identifier quel est l’intérêt public dans des domaines spécifiques et devant des questions précises.
- Le bien public est une expression qui peut faire référence à un bien ou bien meuble du domaine public ou de la propriété publique, tel que les propriétés de l’Etat, les fleuves, les zones côtières, les ondes ou encore la largeur de bande de câble.
- Le bien public est cependant, de façon plus générale, une expression qui est employée de manière versatile comme synonyme d’ “avantage public” pour décrire les résultats ou les produits que l’on tente d’obtenir par le biais de politiques et de processus des institutions démocratiques, l’obtention de résultats réels qui procurent au citoyen individuel un niveau de paix, d’ordre, de stabilité, de prospérité, d’environnement sain, ou encore le droit de sécurité des individus et de leurs biens.
- Le bien public peut prendre la forme concrète et quantifiable d’un bien physique, tel que les routes, les écoles ou les hôpitaux.
- Mais très souvent, et cela pose problème, le bien public peut aussi prendre la forme d’un résultat abstrait difficile à mesurer, tel que la fourniture de services ou même l’élaboration d’industries ou de technologies entièrement nouvelles, telles que la diffusion, les télécommunications, Internet et l’évolution des technologies analogues vers des technologies numériques.
- Mais là encore, très souvent, ce n’est qu’une fois que ces services ont été mis en œuvre que l’on peut mesurer leur efficacité à déboucher sur le bien public.
- L’une des seules façons de mesurer cela est par le biais d’une consultation avec le public ou par d’autres mécanismes de recherche mesurant l’opinion publique, afin d’évaluer si le citoyen individuel est satisfait, dans son ensemble, du service fourni.
- Ainsi, le bien public peut être tangible ou intangible, mesurable et identifiable, ou au contraire difficilement mesurable et identifiable, et peut prendre la forme d’un produit, d’un service ou d’un résultat issu du processus de prise de décision démocratique visant l’intérêt public. Par exemple, le développement de règles régissant le contenu local pour la télévision est un service pour le bien public qui résulte d’un processus à base d’intérêt public de la Canadian Radio-Television Comimssion au Canada et de l’ ‘Australian Broadcasting Authority’ en Australie. Les programmes de télévision qui résultent de ces règles sont un produit de bien public issu du même processus.
Si mon raisonnement est correct, l’intérêt public et le bien public peuvent simplement être représentés de la façon suivante dans les sociétés démocratiques ou auprès des institutions démocratiques:
- Les principes qui guident le processus de prise de décision public.
- Le résultat ou la conséquence ou le produit d’un tel processus.
Dans mon approche, j’ai déjà utilisé des exemples du domaine de la diffusion, des télécommunications et d’ Internet pour illustrer ma thèse. Je voudrais maintenant passer à une réflexion plus détaillée de la façon dont ces principes peuvent, doivent, se sont, et seront appliqués au domaine de la diffusion et d’Internet.
4 – La diffusion en tant que bien public
Pour commencer, je vais considérer le premier des sens que j’ai mentionnés pour l’expression bien public, en tant que bien ou bien meuble du domaine public ou de propriété publique. C’est une question particulièrement importante, parce qu’un large aspect de la politique de diffusion, depuis les années 20, dérive, en tout cas au premier abord, du concept que la fréquence de diffusion des ondes est un capital public rare, ou un bien public, et a demandé à être administré, traité, alloué de façon très précise et particulière. Pour reprendre la citation de 1925 de M. Herbert Hoover : “l’éther est un moyen public, et son usage doit être à l’avantage du public”.
A la suite d’une période de concurrence chaotique pour l’usage du spectre des fréquences radio au début des années 20 aux Etats-Unis, Herbert Hoover, Secrétaire du Commerce, prit la parole le 11 mars 1924, devant le Comité de la Marine Marchande et de la Pêche sur le thème “réglementer la communication radio, et autres objectifs”.
Il est urgent que nous disposions d’une réorganisation rapide et vigoureuse de la loi dans le cadre de la réglementation fédérale de la radio. Non seulement existe-t-il des questions touchant à la conduite ordonnée de la multitude d’activités radio… mais aussi la question du monopole des communications radio doit être affrontée franchement.
Il n’est pas concevable que le peuple américain permette à ce nouveau système de communication de tomber exclusivement entre les mains d’un groupe individuel ou d’un consortium. Nous ne pouvons permettre à un individu ou groupe donné de se placer dans une position à partir de laquelle il puisse censurer les informations qui seront diffusées au public, et je ne pense pas non plus que le gouvernement doive jamais être placé dans une position de censure par rapport à ces informations diffusées.
La communication radio ne doit pas être considérée simplement comme un commerce entrepris pour en tirer des bénéfices privés, pour y placer des annonces publicitaires privées ou pour divertir les curieux. C’est un organisme public qui a obtenu le sceau de la confiance du public et qui doit être considéré en premier lieu du point de vue de l’intérêt public dans la même mesure, et sur la base des mêmes principes généraux que les autres services publics (8).
Une guerre des fréquences entre les Etats-Unis et le Canada au milieu des années 20 avait en fait souligné le besoin de réglementer l’usage du spectre de fréquences radio. L’adoption de la loi US Radio Act et la mise en place de la Federal Radio Commission aux Etats-Unis en 1927 représentaient les premiers pas permettant de garantir la stabilité dans l’allocation de l’usage des fréquences radio en Amérique du Nord.
Dans un message au Congrès des Etats-Unis, fin 1926, le Président Calvin Coolidge précisa que “l’ensemble du service de cette fonction publique très importante (la diffusion radio) a dérivé vers une situation si catastrophique que si l’on n’y remédie pas, toute sa valeur risque d’être détruite. Je recommande instamment que cette législation (la ‘Radio Bill’) soit promulguée rapidement ” (9).
La nouvelle législation du ‘Radio Act’ devint loi le 23 février 1927, établissant la ‘Federal Radio Commission’ pour définir la bande de diffusion AM, normaliser le nom des chaînes par leur fréquence, et autres questions techniques et de licences. La loi donnait aux nouveaux membres de la commission les pouvoirs de prendre les décisions “conformément au caractère pratique, à l’intérêt public ou au besoin”, ce qu’on appelle la norme PICON. La ‘US Communications Act’ de 1934 mit à son tour sur pied la ‘Federal Communications Commission (FCC) pour assumer la responsabilité régulatrice de l’allocation du spectre de fréquences radio et distribuer des licences de services radio commerciaux en fonction de la justification première de la rareté des fréquences et du besoin de tenir compte “de l’intérêt public, du caractère pratique et de la nécessité” pour réaliser le bien de tous (10).
Un juge des Etats-Unis a dit de cette norme qu’il “serait difficile, sinon impossible, de formuler une définition précise et complète de l’expression ‘intérêt public, caractère pratique et besoin’, et il a souvent été dit, à juste titre, par les tribunaux que les faits de chaque dossier devaient être examinés (par la Commission) et devaient gouverner sa détermination” (11).
Bien qu’à l’origine, la préoccupation des responsables de la réglementation des Etats-Unis touchait à l’allocation des fréquences, la norme PICON leur donnait la discrétion très large de superviser d’autres domaines que celui de la technique pure.
Patricia Aufderheide dans son ouvrage récent intitulé “Politique de Communications et Intérêt Public” nota qu’aux Etats-Unis “l’expression intérêt public repose sur la notion de responsabilité gouvernementale de créer les conditions propices à un secteur d’affaires sain qui puisse desservir toute une gamme de consommateurs…(La loi) ‘Communications Act’ de 1934 faisait partie d’un processus plus large visant à institutionnaliser le ‘libéralisme des affaires’. Le libéralisme des sociétés est un ensemble de dispositions réglementaires et juridiques qui rend possible l’existence de sociétés stables, à grande échelle, ainsi que des marchés complexes. La création de monopoles, de cartels et de secteurs caractéristiques d’un pouvoir important sur le marché était considérée comme source d’ avantages puissants” (12). Peut-être le dilemme le plus significatif des responsables de la régulation des Etats-Unis dans la mise en oeuvre du barême de l’ “intérêt public”, émane-t-il de l’ancien président de la FCC, Reed Hundt, qui déclara, alors qu’il allait prendre sa retraite en 1997 :
« Historiquement, le travail principal du président de la FCC était de procurer des licences d’accès aux ondes à un groupe limité de personnes, et de truquer les marchés afin que personne ne s’en sorte mal. La raison, valable, était de permettre aux sociétés de progresser économiquement; l’effet, néfaste, était un marché fermé oligopolisé avec peu de divergences de points de vue. Le travail principal, aujourd’hui, devrait être le contraire: introduire le concept de risque et de récompense à tous les domaines du secteur des communications. Le problème réside alors dans la promotion des objectifs non-commerciaux, tels que la conduite d’un débat civique sur des questions politiques ou l’éducation des enfants, sans compter simplement sur un partenariat confortable entre le gouvernement et un groupe minuscule de magnats des médias » (13).
Il est utile de préciser ici, la perception qu’ont les Etats-Unis selon laquelle l’interprétation de l’expression d’intérêt public par le membre de la commission a trop souvent été alignée sur les intérêts supposés des responsables commerciaux de diffusion (14).
Cette accusation de parti-pris régulateur est un sujet auquel tous les responsables de la régulation du secteur des communications du monde entier doivent faire face et qu’ils doivent confronter.
Au Canada, la loi de 1913 intitulée ‘Radiotelegraph Act’, donnait au gouvernement fédéral canadien le pouvoir de délivrer des licences pour l’usage des fréquences radio. En 1928, une dispute entre un certain nombre de stations radio canadiennes opérées par des églises et des groupes religieux rivaux amena le Ministre canadien de la Marine et de la Pêche, l’autorité pertinente en matière de distribution de licences, à réallouer les droits d’usage de certaines fréquences radio au Canada, ce qui eut pour conséquence la fermeture de quatre stations opérées par les “Etudiants de la Bible”. Le scandale public qui en découla déboucha sur une déclaration du Ministre de la Marine, P.J.A. Cardin, selon laquelle le gouvernement canadien adopterait “une politique de diffusion nationale selon les lignes adoptées… par le gouvernement britannique” (15).
Le débat qui s’ensuivit souleva les questions clés de droits de propriété pour les fréquences radio, de concurrence, de censure, de propriété de l’état, de contenu régional et de contrôle étranger, qui sont des questions récurrentes dans la plupart des débats sur la politique de diffusion en Grande-Bretagne, au Canada et en Australie depuis les années 20, et jusqu’à l’heure actuelle. Toutefois, une question fondamentale touchait à la rareté du spectre, au besoin de la traiter de façon méthodique et de l’allouer, afin d’éviter une situation catastrophique. Le Ministre Cardin déclara: “l’usage de l’air n’a jamais été libre, et en ce qui concerne la radio, l’usage de l’air ne peut pas être libre, car si tout le monde se servait du peu de chaînes de communication dont nous disposons dans le service radio, le résultat serait catastrophique”(16).
Le résultat de ce débat fut la mise en place, fin 1928, d’une Commission Royale de la diffusion canadienne présidée par Sir John Aird. Bien que mon auditoire canadien connaîsse parfaitement l’histoire des cinq années suivantes qui débouchèrent sur l’adoption de la loi ‘Radio Broadcasting Act’ de 1932, pour moi, l’un des plaisirs de cette tâche que j’ai entreprise ici, a été d’apprendre autant de choses sur la diffusion canadienne et sur le rôle remarquable joué par feu M. Graham Spry et sa ‘Canadian Radio League’ dans l’établissement des fondations de toute la politique de diffusion canadienne depuis lors. Je reviendrai sur le sujet ultérieurement. Dans cette partie de mon exposé, je souhaite uniquement parler de la conséquence que ce débat a eu, à savoir l’établissement de la Commission Canadienne de Diffusion en tant qu’organisme nommé par le gouvernement, et composé de trois membres responsables de la régulation de la diffusion et de l’organisation de la diffusion au Canada (17).
Je prends note que Graham Spry lui-même s’opposait à la mise en place d’une commission nommée de la sorte plutôt que par une corporation, parce que “le type de personne qu’attirerait un poste à la commission serait bien inférieur au type de personne qui répondrait au défi de promouvoir de façon positive un grand réseau national” (18). Je laisse à d’autres le soin d’évaluer si les préoccupations de M. Spry étaient justifiées. Ce qu’il est important de savoir ici est que le Premier Ministre R.B. Bennett, lorsqu’il présenta la loi à la Chambre des Communes du Canada le 18 mai 1932, précisa que le troisième motif valable pour mettre en avant ce projet de législation, afin de créer un fournisseur de services, doublé d’un organisme de réglementation pour la diffusion canadienne était:
« l’usage de l’air …qui surplombe le sol et les terres du Canada est une ressource nationale sur laquelle nous avons totale juridiction en fonction des décisions récentes du Conseil privé…Je ne pense pas qu’un gouvernement, quel qu’il soit, serait justifié s’il laissait l’air à une exploitation privée, et en ne la réservant pas au développement destiné à l’usage du public. Il est possible qu’à une date future, lorsque la science aura fait des progrès plus importants…il soit souhaitable de mettre en place d’autres dispositions ou des dispositions différentes » (19).
Ainsi, au moins l’une des raisons principales de la mise en place d’un système de régulation de la diffusion au Canada consistait en la rareté du spectre de fréquences radio et au besoin de traiter avec le bien public des ondes radio, y compris leur attribution méthodique.
En Australie, les premières régulations furent introduites le 1er août 1923 suivies d’une deuxième série de régulations promulguées le 17 juillet 1924, prévoyant que La Poste puisse accorder des licences aux responsables de diffusion radio commerciales, ayant le droit d’émettre des annonces publicitaires.
Ceci eut lieu sous l’égide des pouvoirs constitutionnels du Commonwealth australien pour les postes et télécommunications (20). Des difficultés lors de l’introduction de la diffusion faisant suite à ces régulations débouchèrent sur la nomination d’une Commission Royale pour la diffusion TSF (Télégraphie Sans Fil) en Australie, établie le 28 janvier 1927. S’appuyant sur cette commission, le gouvernement australien décida d’adopter une double approche pour les services de diffusion australiens :
- un service national du domaine public
- des services de licences du secteur privé appelés services commerciaux (21).
La réglementation du service commercial récemment nommé resta celle du Comité TSF de La Poste jusqu’en 1948. Lors de sa sixième Convention Annuelle en 1936, l’industrie radio commerciale pria instamment le gouvernement du Commonwealth d’établir un conseil pour réguler la diffusion commerciale, afin de traiter les questions de remise de licences et l’allocation des fréquences. Le concept de régulation de la diffusion en Australie était ainsi fermement lié à la notion de rareté du spectre des fréquences radio et au besoin de le gérer et d’accorder des licences pour en faire usage. Cependant, lorsque le parlement du Commonwealth donna enfin force de loi au ‘Broadcasting Act’ de 1942, il prévoyait simplement que “le Ministre nommât dans chaque état un comité consultatif de diffusion” dont les fonctions seraient de:
« conseiller le Ministre sur toutes les questions liées aux programmes de diffusion ou l’exercice de tous pouvoirs, devoirs, fonctions, conférés ou imposés par la présente loi ou par les régulations à la commission (Australian Broadcasting) ou aux titulaires de licences pour une station de diffusion commerciale » (22).
La seule fonction spécifique stipulée par la loi pour les comités consultatifs était une exigence selon laquelle les comités devaient soumettre un rapport au Ministre pour toute information diffusée à partir d’une station nationale ou commerciale, alléguée comme ayant été blasphématoire, indécente ou obscène (23). Il est donc clair que dès 1942, le concept de régulation de la diffusion en Australie a été élargi au-delà des questions de fréquence radio en tant que bien public ou bien meuble. Encore une fois, les autres motifs seront examinés ultérieurement.
Il existe donc un fil conducteur commun précis entre le Canada, l’Australie et les Etats-Unis, en fonction duquel au moins l’une des justifications de la régulation de la diffusion, dans les premiers temps de la radio en tout cas, résidait dans la notion que la fréquence radio, les ondes radio ou l’éther était un bien de propriété publique dont il convenait de faire le meilleur usage par un processus ordonné d’allocation et par l’accord de licences pour les nouveaux services. En tenant compte de la prévision presque prophétique du Premier Ministre canadien Bennett en 1932 selon laquelle “…à une date future, lorsque la science aura accompli des progrès plus importants…il pourrait s’avérer souhaitable de prendre d’autres dispositions” pour la diffusion, il est nécessaire de considérer dans quelle mesure cette notion de rareté du spectre a été la justification fondamentale ou unique de la régulation de la diffusion. Si c’était, et cela reste, la seule justification de la régulation de la diffusion, alors cette époque que nous avait prédite le Premier Ministre Bennett n’est éloignée que de quelques années – ère de diffusion numérique, richesse de chaînes et fin de la rareté du spectre.
Cependant, pour l’instant en tout cas, la rareté du spectre reste une question d’actualité. Par exemple, en Italie, où une période de dé-régulation a débouché sur la création de quelques 600 diffuseurs ‘privés’ en milieu urbain, seules, jusqu’à présent, ont été identifiées quatre chaînes pour la diffusion numérique. Ces chaînes seront utilisées pour fournir une couverture nationale et régionale aux diffuseurs nationaux et régionaux de premier plan, mais les diffuseurs ‘privés’, eux, s’ils doivent être pris en compte dans l’ère numérique, devront en tout cas attendre la fin de la diffusion analogue.
En Australie, bien que chacun des cinq réseaux de télévisions doivent recevoir une chaîne dotée de la capacité de diffusion télévision haute définition, peu de chaînes supplémentaires sont prévues pour la diffusion de données ou pour de nouveaux diffuseurs de télévision.
Ceci dit, je n’hésite aucunement à déclarer que la rareté du spectre et le besoin de traiter l’allocation du spectre en tant que bien meuble public rare n’ont jamais été le seul, ni le véritable fondement de la régulation de la diffusion et que, dès l’origine ou presque, dans des pays comme le Canada, l’Australie et le Royaume-Uni, la diffusion était considérée comme revêtant une qualité ou un caractère particulier qui exigeait qu’elle soit traitée de façon différente par rapport à d’autres outils de diffusion d’information comme les journaux. Lorsqu’on examine quelles étaient ces motivations, et étant donné leur validité actuelle, l’on peut réfléchir à l’application de ces principes à des médias nouveaux comme Internet.
5 – Les objectifs de l’intérêt public pour la régulation de la diffusion – la culture nationale et la protection des foyers et des familles
Au-delà du besoin d’extirper l’ordre du chaos dans les secteurs de la diffusion en Europe, en Amérique du Nord et en Australie, la vérité est que les fondements de la régulation de la diffusion ont toujours existé, pour des raisons aussi importantes que le fait de traiter méthodiquement l’allocation d’un bien public. Bien que le modèle adopté pour la diffusion au Royaume-Uni dans les années 20 n’ait pas été universellement admiré ou imité dans le reste du monde, la réflexion qui a eu lieu au Royaume-Uni sur le rôle de la diffusion et la façon dont les gouvernements doivent la traiter d’un point de vue régulateur a eu une influence critique, selon moi, dans de nombreux pays, notamment au Canada et en Australie. Lorsqu’on examine l’histoire, je pense que nous arrivons à mieux comprendre ce qui a motivé et sous-tendu la politique et la régulation de la diffusion au cours des soixante-dix dernières années. Au cœur du processus, on trouve des questions totalement différentes du besoin technique de base d’allouer des fréquences. Les motifs en sont l’intérêt public pour la culture nationale ainsi que l’intégrité du foyer en tant que noyau de la vie familiale et le besoin qui existe de protéger et d’encourager cette vie d’une façon différente de celle qui est considérée comme étant adéquate pour la presse et les autres médias. Si nous arrivons à comprendre ce que ces principes d’intérêt public plus larges ont pu être, nous serons mieux à même de déterminer leur pertinence continue dans un monde en-ligne abondant en communications et riche d’une multitude de chaînes.
En réfléchissant à ces questions, je dois reconnaître l’existence d’au moins deux points de vue différents sur l’intérêt public et les médias audiovisuels. Michael Tracey a clairement énoncé ces deux points de vue dans “Public Services Broadcasting”:
« Le débat a lieu entre deux modèles opposés, sur la façon de choisir le développement des médias audiovisuels et le type de programmes qu’ils offriront au public en tant qu’auditoire. Les modèles font appel à différentes conceptions des droits et des libertés démocratiques, différents points de vue sur la relation qui existe entre culture et sciences économiques. Un des modèles suggère que pour soutenir le bien-être général de notre société et sa culture, l’état (ou peut-être le ‘corps politique’ serait une expression plus juste) n’a pas seulement le droit, mais le devoir, de prendre des décisions stratégiques et d’intervenir par le biais de ses institutions nommées. Dans la diffusion, ces interventions doivent garantir une gamme, une profondeur, une qualité et une indépendance de la production de programmes que d’autres dispositions ne seraient tout simplement pas à même de fournir. Ces dispositions ont été mises en place dans de nombreux pays par le biais du modèle de la diffusion du service public. »
Face à ce modèle se dresse un autre modèle très différent, dans le cadre duquel la ‘régulation’ par le biais d’une politique publique est considérée comme n’étant ni juste ni nécessaire. La théorie qui définit ce modèle consiste en le fait, que dans une société démocratique, l’état n’a pas le droit de faire des choix au nom de ses citoyens dans le domaine de l’audio-visuel, pas plus qu’il n’a le droit de leur dicter quels livres écrire ou lire. Pour employer une expression souvent citée, ce qui importe est la ‘souveraineté du consommateur’. Les droits démocratiques, en outre, sont rendus plus réalisables par des progrès énormes dans la capacité physique de communiquer par des systèmes câblés à bande large et les communications par satellite. La différence réside entre, d’une part, l’individu en tant que membre d’un groupe, et d’autre part, l’individu en tant que tel.
Voici donc deux modèles entre lesquels l’auditoire-en-tant-que-citoyen doit opérer un choix: la politique guidée par la régulation ‘publique’, en se fondant sur des valeurs ‘publiques’, servant l’intérêt public; et la politique en tant que résultat ad hoc d’une multitude de choix individuels, au sein desquels des concepts comme le bien de l’ensemble et l’intérêt public deviennent effectivement ce que le public décide de ce qu’ils sont, sur la base de jugements économiques. Dans de nombreux pays, l’on constate un conflit entre un modèle ‘culturel’ ou civique pour le développement de la diffusion et un modèle ‘économique’ ou de cirque, pour que soit bâtie une plus grande culture des communications dont la télévision et la radio ne sont qu’une composante (24).
Je dois expliquer clairement ici que, tout comme des personnes éminentes telle que John Reith au Royaume-Uni et Graham Spry au Canada, je considère que c’est le premier de ces points de vue qui a inspiré à l’origine la politique de diffusion dans nos pays, et que celui-ci doit rester prépondérant. Les citoyens peuvent choisir leurs gouvernements mais ils ne peuvent choisir leurs magnats des médias.
Au Royaume-Uni, la ‘British Broadcasting Company’ a reçu, le 18 janvier 1923, une licence en tant que seul opérateur privé commercial de la Poste, regroupant un consortium de fabricants de récepteurs. Quant aux propriétaires de ces récepteurs, ils devaient payer un droit de licence à la Poste. Le directeur de la société était John Reith. Les difficultés financières immédiates de cette société privée amenèrent le Parlement à nommer le comité Sykes en avril 1923. Ce comité parvint à la conclusion en août 1923 que “la diffusion renferme des possibilités sociales et politiques aussi importantes que tout accomplissement de notre génération”, et que “pour ces motifs, nous considérons que le contrôle d’un pouvoir potentiel tel sur l’opinion publique et la vie de la nation doit rester au sein de l’état, et que l’opération d’un service national aussi important ne doit pas être autorisée à devenir un monopole commercial sans restrictions” (25). Le comité Sykes recommanda que la corporation publique soit indépendante du gouvernement. Les recommandations ultérieures du comité Crawford en 1925 débouchèrent sur la Charte et la Licence qui créèrent la BBC et l’autorisèrent à diffuser pendant dix ans, à partir du 1er janvier 1927, en tant que monopole financé par des cotisations annuelles sur les postes de réception radio et administrés par une corporation publique indépendante, avec John Reith comme premier Directeur-Général (26). Le comité Crawford précisa que la propriété publique des ondes était un bien national précieux qui devait être employé dans l’intérêt général du public et non pas pour avantager des groupes d’intérêt puissants ou riches (27).
Le comité Crawford recommanda que la nouvelle Corporation “agisse comme Administrateur de l’intérêt national, que son statut et ses devoirs correspondent à ceux d’un service public, et que les objectifs d’un tel service ne soient pas uniquement de divertir mais aussi d’informer et d’éduquer. Les sujets couverts devaient être larges, les normes de présentation élevées, et les questions controversées devaient être traitées de façon impartiale. Les programmes devaient être disponibles auprès de la grande majorité de la population” (28).
Je suis d’avis que nous avons ici la clé pour comprendre l’histoire ultérieure de la diffusion au Royaume-Uni, au Canada et en Australie – les concepts d’administrateur, d’intérêt national, de divertissement, d’information et d’éducation, de contenu de qualité, d’impartialité et de large portée d’audience. L’on a dit que l’expression “information, éducation et divertissement de la Charte de la BBC était en quelque sorte l’équivalent de l’expression connue de la diffusion américaine ‘pratique pour le public, intérêt et besoin publics’ comme source servant à guider la politique” (29). Je remarque ici que l’énoncé britannique semble plus clair que l’expression américaine pour ce qui est de guider les preneurs de décision dans le meilleur usage de leur pouvoir discrétionnaire. A partir de l’établissement de la BBC et jusqu’à aujourd’hui, le diffuseur national au Royaume-Uni a été à la fois diffuseur et régulateur de ses affaires dans le cadre de la Charte Royale. La loi ‘Television Act’ de 1954 instaura la ‘Independent Television Authority’ (Autorité de Télévision Indépendante) qui eut les pleins pouvoirs de mettre sur pied le premier service de télévision commercial au Royaume-Uni. En 1972, elle devint la ‘Independent Broadcasting Authority’ (Autorité de Diffusion Indépendante), avec pour tâche de “fournir” des services de diffusion de télévision et ondes locales, en sus, dans chacun de ces deux cas, de ceux de la ‘British Broadcasting Corporation’ (Corporation de Diffusion Britannique), et qui soient de qualité élevée, tant dans le processus de transmission que dans les informations transmises” (30). Cet organisme était responsable pour le secteur commercial en tant qu’organe de planification, diffuseur et organisme régulateur des services de diffusion commerciale au Royaume-Uni. Le ‘Pilkington Report’ (Rapport Pilkington) de 1962, bien qu’il fasse l’éloge de la BBC, critiquait également vivement l’ ‘Independent Television Authority’ pour son contrôle peu efficace de la Télévision Indépendante”(31). La critique exprimée dans le ‘Pilkington Report’ à l’égard de la programmation de la télévision commerciale et son point de vue selon lequel la ITA ne s’informait pas suffisamment des réactions publiques vis à vis de la programmation de télévision commerciale, donnèrent lieu à des amendements des lois du Royaume-Uni, exigeant de l’ ITA qu’elle établisse “l’état de l’opinion publique concernant les programmes (y compris les publicités)”(32).
En révisant les modifications résultant de la diffusion, le Rapport Annan (Annan Report) tira, en 1977, la conclusion suivante sur la diffusion:
« Qu’y a-t-il dans la diffusion qui la rende unique et différente des autres formes de communication et sa nature est-elle susceptible de changer dans la période d’examen ? La réponse, simple, est qu’au coeur de la diffusion se trouve le grand public. La radio, ainsi que la télévision, possède l’unique qualité de viser simultanément une grande majorité de la population, dans 19 millions de foyers. Les autres méthodes de communication, comme la presse, le service des postes et des télécommunications, que l’on reçoit chez soi, ne peuvent le faire. La diffusion peut porter un évènement important devant un vaste public, non pas seulement simultanément, mais aussi dès que l’événement se produit. Nous pouvons tous regarder la Finale de la Coupe ou voir des hommes se poser sur la lune. Il y a d’autres formes de communication comme le théâtre, le cinéma ou les réunions publiques qui peuvent certainement atteindre un nombre considérable de personnes en même temps. Mais elles ne les touchent pas chez eux, dans leur foyer; et comparativement à la diffusion, le nombre de personnes concernées est infime. La diffusion peut communiquer avec des publics plus petits, comme c’est le cas pour la radio locale. Cependant, même ainsi, les publics concernés sont plus importants que ceux des autres formes de communication simultanée. A une époque où l’on se préoccupe de la fragmentation de la société, la diffusion permet de la resouder. Elle lie les hommes entre eux, donne au grand public des sujets communs de conversation, leur fait prendre conscience du fait qu’en vivant les mêmes émotions, ils appartiennent tous à la même nation (33). »
Le Rapport Annan de 1977 soutint les points de vue exprimés dans le ‘Pilkington Report’ de 1962, comparant “l’effet de la diffusion sur la société à celui de l’eau qui tombe goutte à goutte sur une pierre, (concluant) que, jusqu’à preuve irréfutable du contraire, l’on devait supposer que la télévision aurait une influence considérable sur les principes moraux de notre société” (34). Le Rapport Annan remarqua: “il nous semble que les gouvernements et les autorités de diffusion sont obligés de prendre note du fait que beaucoup de gens supposent que, parce que les services de diffusion sont regardés et écoutés dans pratiquement tous les foyers, la diffusion est un moyen de communication puissant et omniprésent, puisqu’il a un effet direct sur les attitudes et le comportement des gens…” (35). Le Rapport Annan adhéra aux objectifs pour que les diffuseurs procurent divertissement, information et éducation à des publics importants”, mais proposa aussi un objectif supplémentaire, celui de l’enrichissement: “élargir les intérêts des gens, leur apporter de nouveaux choix et de nouvelles possibilités dans la vie, voici ce que doit tenter de réaliser la diffusion” (36).
Le Rapport Annan indiqua en conclusion que :
“en définitive, quelqu’un doit prendre la responsabilité de décider quels aspects de l’intérêt public doivent prévaloir, et de ce qui peut être diffusé dans des circonstances particulières et à une heure donnée. Nous sommes d’avis que la responsabilité finale doit demeurer celle des autorités (de diffusion), en tant que médiateurs entre les diffuseurs professionnels et le public. Les Autorités sont elles-mêmes responsables, devant le Parlement, des décisions qu’elles ont prises, ainsi que des services qu’elles offrent, et le Parlement lui-même est responsable devant les électeurs. Cette solution pragmatique à un problème complexe est restée en vigueur pendant cinquante ans, et nous considérons que l’essentiel doit en être maintenu. Nous recommandons donc que les autorités responsables de la diffusion continuent à avoir la charge de tous les services de diffusion, et qu’elles demeurent indépendantes du gouvernement dans leurs agissements quotidiens pour gérer leurs affaires”(37).
Cette déclaration renferme des composantes que l’on trouve au cœur de la régulation de la diffusion au Royaume-Uni, au Canada et en Australie aujourd’hui – l’épreuve de l’intérêt public en ce qui concerne l’éducation, l’information, le divertissement, le contenu de qualité et une gestion régulatrice indépendante responsable devant le Parlement, lui-même responsable devant ceux chez qui la diffusion fait intrusion. L’ingrédient manquant était la séparation de la fonction de régulation par rapport à la fonction de diffusion au Royaume-Uni, qui n’a pas eu lieu, en tout cas pour la diffusion commerciale, jusqu’à la création de l’ ‘Independent Television Commission’ en 1990.
Le manifeste d’élection du parti conservateur du Royaume-Uni en 1987 comprenait des propositions pour une nouvelle loi de diffusion afin “de permettre aux responsables de la diffusion de tirer plein avantage des opportunités présentées par les progrès technologiques, et d’élargir le choix des téléspectateurs et des auditeurs”(38). Cependant, ce Manifeste promettait aussi qu’il y aurait “des dispositions plus fortes et plus efficaces” afin de refléter les préoccupations perçues dans le public devant la présentation de scènes violentes et sexuelles dans les programmes de télévision et de radio captés au Royaume-Uni (39).
Le nouveau gouvernement conservateur dirigé par Margaret Thatcher fit le premier pas pour mettre ceci en œuvre, en établissant le ‘Broadcasting Standards Council’ le 16 mai 1988, avec pour tâche d’établir un code de principes quant au goût, à la décence, à la violence et aux scènes sexuelles dans des programmes de diffusion au Royaume-Uni; de surveiller les principes des programmes dans ces domaines, de considérer les plaintes du public et d’entreprendre des recherches dans le domaine des attitudes du public (40).
Le 7 novembre 1988, le gouvernement conservateur communiqua son Livret Blanc, intitulé “La Diffusion dans les années 90: Concurrence, Choix et Qualité. Les plans du gouvernement pour une législation de la diffusion”. Parmi les objectifs cités pour le nouveau régime indépendant de diffusion figuraient l’introduction d’une nouvelle cinquième chaîne nationale, et des exigences de programmation statutaires positives qui comprenaient notamment la programmation régionale, des informations nationales et internationales, et des programmes d’actualité de haut niveau, un service de programmation diversifié, un minimum de 25 pour cent de programmation originale de la part des producteurs indépendants et une proportion adéquate de matériel de programmation provenant de la Communauté Européenne. C’était donc là les considérations clés relatives à l’intérêt public. Le changement le plus significatif d’un point de vue régulateur était la recommandation selon laquelle une nouvelle ‘Independent Television Commission (ITC)’ remplacerait l’IBA pour distribuer les licences et superviser toutes les composantes d’un secteur de télévision commerciale libéralisé. Cet organisme aurait la capacité d’imposer des sanctions rigoureuses, y compris le pouvoir de suspendre ou d’annuler des licences, mais serait censé opérer de façon plus pondérée que l’ IBA. Le Livret Blanc recommandait aussi que le nouveau Conseil des principes de diffusion (‘Broadcasting Standards Council’) reposât sur des bases statutaires (41).
La loi résultant de tous ces points reçut l’aval royal le 1er novembre 1990. Les objectifs clés d’intérêt public de la ITC sont énumérés à la section s.2 (2) qui prévoit que l’ ITC s’acquitte de ses fonctions de la façon que l’ITC considère comme étant la plus susceptible de:
« garantir une gamme étendue de services de diffusion disponibles dans l’ensemble du Royaume-Uni. garantir une concurrence loyale et efficace pour la mise à disposition de ces services. »
« garantir la promotion de ces services qui, vus dans leur ensemble, sont de qualité élevée et offrent une large gamme de programmes conçue pour plaire à des audiences de goûts et d’intérêts divers » (42).
Des objectifs supplémentaires sont fixés pour l’ITC dans la section s.6, qui exigent qu’elle fasse son possible pour assurer que tout service sous licence soit conforme aux exigences, entre autres :
« éviter d’offenser le bon goût ou la décence »
« assurer que les informations soient présentées avec exactitude et impartialité »
« assurer que les documents d’actualité soient présentés avec impartialité »
« assurer que les programmes religieux évitent les sujets offensants pour les croyances de toute religion » (43).
L’on confie à l’ITC la responsabilité de développer des codes de programmes et de publicités.
Outre ses pouvoirs visant à suspendre ou annuler une licence, l’ITC a le pouvoir d’imposer de lourdes amendes pour des infractions aux exigences des programmes. Le cas le plus extrême que l’ITC ait traité depuis 1990 eut lieu en 1998 lorsqu’elle imposa une amende de deux millions de livres sterling à ‘Central Television’ pour avoir diffusé un documentaire intitulé “The Connection” qui avait été en grande partie inventé de toutes pièces (44).
Si les considérations d’intérêt public de ce nouveau cadre régulateur de la diffusion au Royaume-Uni sont résumées par les mots “concurrence, choix et qualité”, il est peut-être vrai aussi de dire que la fragmentation des fonctions de régulation de la diffusion au Royaume-Uni doit contribuer au fait qu’il est difficile et confus pour le public d’avoir accès à ses droits d’intérêt public dans le secteur de la diffusion, et d’en tirer avantage.
Au Canada, comme vous le savez sûrement, l’histoire de la diffusion a très souvent impliqué des questions de culture et d’identité nationale. L’excellent ouvrage du Professeur Marc Raboy intitulé “Opportunités manquées” (Missed Opportunities) reprend l’histoire des politiques canadiennes de diffusion depuis les années 20. La Commission Royale Aird, à la fin des années 20, reçut de nombreuses soumissions qui insistaient sur le fait que des considérations d’intérêt public devaient guider l’orientation de la diffusion au Canada (45). La Commission Aird précisa que la diffusion canadienne devait être un instrument d’éducation “au sens le plus large, non pas seulement telle qu’elle était offerte dans les écoles et les collèges, mais plutôt comme un divertissement, et aussi comme information du public, sur des questions d’intérêt national”, et présenta en conclusion le fait que pour atteindre cet objectif, il existait un besoin “d’une sorte de propriété, d’opération et de contrôle publics derrière lequel se tenaient le pouvoir et le prestige national de l’ensemble du public du Territoire du Canada” (46).
Dans le débat qui suivit au Canada, feu Graham Spry était la voix du citoyen la plus forte et la plus susceptible d’être entendue par le biais de la ‘Canadian Radio League’. Il était d’avis que la question de la diffusion était une question de liberté: “Laissons l’air rester la prérogative des intérêts commerciaux et le sujet d’un contrôle commercial, et la façon dont la voix, le cœur de la démocratie, sera libre. Le maintien, la croissance de la liberté, le progrès, la pureté de l’éducation exigent que la responsabilité de la diffusion soit subordonnée à la volonté populaire. Il ne peut y avoir de liberté absolue, la démocratie ne peut être suprême si les intérêts commerciaux dominent la vaste ressource majestueuse qu’est la diffusion” (47). L’une des questions constantes pour nous qui vivons soixante-dix ans plus tard, est de savoir si cette vision de Graham Spry trouve encore sa place et où nous devons la situer. Je suis convaincu qu’elle conserve sa place, surtout en ce qui concerne le besoin continu d’avoir des diffuseurs publics indépendants, sains, et financés correctement. Elle joue un rôle continu également en matière d’objectifs plus larges auxquels les secteurs, tant privé que public, devraient consacrer leur usage du bien public des ondes, voire de la capacité du câble.
Lorsque le Premier Ministre canadien R.M. Bennett fit, le 18 mai 1932, son deuxième discours sur la ‘Radio Broadcasting Bill’ de 1932, issue du débat national, il souligna le rôle national culturel, social et politique de la diffusion pour le Canada:
« Tout d’abord, il faut assurer au pays le contrôle complet canadien de la diffusion provenant de sources canadiennes, libre d’ingérence et d’influence étrangères. Sans un tel contrôle, la diffusion radio ne peut jamais devenir une grande agence pour la communication de questions d’intérêt national et pour la diffusion de pensées et d’idéaux nationaux; et sans un tel contrôle, elle ne pourra jamais être le moyen par le biais duquel la conscience nationale se trouvera stimulée et maintenue, et l’unité nationale encore davantage renforcée » (48).
Quelle que soit l’histoire de la diffusion canadienne au cours des trente années à venir, il n’y a aucun doute que, dès le milieu des années soixante, la question d’intérêt public de la cohésion nationale restait une caractéristique dominante de la politique de diffusion du Canada. Le Livret Blanc de 1966 sur la diffusion déclarait: “la détermination à développer et maintenir un système national de diffusion radio et télévision au Canada est une composante essentielle de la recherche continue de l’identité et de l’unité culturelle du Canada” (49).
Ce Livret Blanc déboucha sur la loi ‘Broadcasting Act’ de 1968 qui établit une nouvelle autorité régulatrice statutaire indépendante, la Commission Radio-Télévision du Canada (Canadian Radio-Television Commission – CRTC). Cet organisme acquit, en 1976, la responsabilité des télécommunications et de la diffusion, et devint la Commission Radio-Télévision et Télécommunications du Canada (Canadian Radio-Telecommunications Commission). La loi de 1968 établit une série d’objectifs parmi lesquels le fait que “le service de diffusion nationale du Canada devrait…contribuer au développement de l’unité nationale et permettre l’expression continue de l’identité canadienne” (50). Cela allait devenir la considération d’intérêt public principale exigée du diffuseur national, mais la loi ne donnait pas d’autres conseils sur la façon dont il devait s’acquitter de ce rôle, ni même sur ce que laissait entendre le concept d’unité nationale.
L’un des domaines du conflit de la politique de diffusion nationale après 1968 opposait la CRTC, en tant qu’organisme régulateur, et la ‘Canadian Broadcasting Corporation’, l’organe de diffusion national, quant à savoir qui serait l’arbitre ou le gardien principal du sens de la disposition d’intérêt public touchant à l’unité nationale.
En ce qui concernait son rôle dans l’institution du cadre de la diffusion par câble au Canada, la CRTC était d’avis que son devoir n’était pas de protéger un aspect donné du secteur de la diffusion mais de promouvoir une stratégie économique pour l’ensemble du système de diffusion (51). Quant aux dispositions touchant au service, la CRTC adopta une forte approche de protection du consommateur, déclarant que: “les personnes qui ont une licence dans l’intérêt public ne devraient pas avoir besoin qu’on leur rappelle leur devoir envers le public qu’ils sont habilités à servir” (52).
Toutefois, la CRTC ne pouvait éviter l’accusation, lancée par la FCC et d’autres responsables de la régulation de la diffusion, selon laquelle elle était devenue la proie complaisante du secteur qu’elle réglementait. Lors de témoignages au cours des auditions de la télévision câblée en juin 1975, D.R. Graham de la ‘Canadian Cable Television Association’ dit à la CRTC: “Votre problème…est que vous devez donner l’apparence extérieure de garantir au public que ses intérêts ont été protégés, et vous n’aimez peut-être pas lui avouer que nous sommes sans doute plus compétents pour effectuer cette évaluation que vous, citoyen moyen” (53). Une Commission Royale du Gouvernement d’Ontario sur la Violence dans le Secteur des Communications présenta un rapport en 1976 dans lequel elle suggérait que le système de diffusion canadien, y compris le responsable de régulation, était insensible aux besoins du public et présenta des propositions pour une démocratisation radicale, “afin de le rendre plus réceptif aux spectateurs et à leurs vrais impératifs sociaux”(54).
Si l’un des rôles d’intérêt public principaux de l’ensemble de la diffusion au Canada était la question de l’identité culturelle canadienne et de la cohésion nationale, alors la révision de la Politique Culturelle Fédérale de Applebaum-Hébert en 1982 souligna que la CRTC avait des difficultés à remplir ce rôle dans ce domaine.
Ce rapport “considéra que l’outil principal de la CRTC pour la mise en oeuvre d’objectifs culturels, exigence de contenu canadien, n’avait pas fonctionné. La CRTC…avait hésité à utiliser ses pouvoirs pour établir et mettre en vigueur des réglementations vigoureuses à cause de leur impact potentiel sur la viabilité économique des diffuseurs privés. ‘Le conflit inhérent ici, comme dans de nombreux autres domaines de politique culturelle, oppose une stratégie industrielle à une stratégie culturelle’, et ici encore, la stratégie industrielle semblait avoir le dessus” (55). Le rapport recommandait “que la régulation de la diffusion au Canada restât exclusivement entre les mains d’un organe fédéral unique, la CRTC qui ‘devait continuer à accorder des licences à des entreprises de diffusion ayant une portée provinciale et municipale’. Mais le rapport considérait aussi la CRTC comme dernier défenseur de l’intérêt public dans la diffusion “et recommandait que pour l’aider à mieux comprendre la conception publique de l’intérêt public, la CRTC devait établir des comités consultatifs dans chaque province “pour aider à évaluer la performance de ceux qui avaient reçu des licences et pour fournir des conseils et des réactions d’un point de vue local sur toutes les activités de diffusion” (56).
Ces commentaires illustrent pour moi un dilemme continu dans la lutte qui doit procurer un rôle d’intérêt public efficace aux responsables de la régulation de la diffusion. Je pourrais ajouter ici que je considère que des voix d’intérêt public puissantes sont nécessaires pour représenter différentes questions au responsable de la régulation de la diffusion comme composante du processus de prise de décision.
La loi ‘Broadcasting Act’ de 1991 au Canada établit clairement les objectifs d’intérêt public dans son énoncé à la section s.3 de sa “Broadcasting Policy for Canada”, en précisant, entre autres :
« la propriété canadienne et le contrôle canadien des systèmes de diffusion canadiens. »
« l’usage de fréquences de diffusion qui sont propriété publique et fournissent par leur programmation un service public essentiel au maintien et à la mise en valeur de l’identité nationale et de la souveraineté culturelle. »
« l‘usage de la diffusion canadienne pour protéger, enrichir et renforcer le tissu culturel, social et économique du Canada » (57).
La loi de 1991 stipule à la section s.5 que c’est la Commission Radio-Télévision et Télécommunications qui doit réglementer le système de diffusion canadien de façon souple et qui :
- soit facilement adaptable aux différentes caractéristiques de la diffusion en anglais et en français
- tienne compte des besoins et préoccupations régionales
- soit facilement adaptable aux changements scientifiques et technologiques
- facilite l’apport de la diffusion aux Canadiens
- facilite l’apport de programmes canadiens aux Canadiens
- n’entrave pas le développement des technologies de l’information ni leur application ou la fourniture, aux Canadiens, des services qui en découlent
- soit sensible au fardeau administratif qui, en tant que conséquence d’une telle régulation et supervision, pourrait être imposé à ceux qui dirigent des entreprises de diffusion (58).
Les objectifs d’intérêt public de la législation, tant en terme de politique de diffusion d’ensemble qu’en terme de conduite du responsable de régulation, sont ainsi clairement définis plutôt que d’être simplement mentionnés comme une vague référence à “l’intérêt public”.
6 – Nouvelles options de régulation pour les communications
Au cours des années 80 l’approche traditionnelle de la régulation de la diffusion dans certains pays a été révisée, avec souvent le choix de permettre aux secteurs de diffusion maintenant bien établis, de jouer un rôle dans la régulation de leurs propres secteurs. Le premier développement d’importance de cette sorte dans la régulation de la diffusion canadienne fut sans doute la restructuration de 1986 à 1987 par la CRTC du cadre régulateur, afin de permettre des mesures significatives d’auto-régulation que la CRTC elle-même décrivait comme étant “la reconnaissance par le secteur de ses responsabilités envers le public canadien” (59). Je devrais préciser ici que ce type d’auto-régulation est peut-être plus exactement décrit comme ‘co-régulation’, étant donné que le régime auto-régulateur s’insère dans un cadre de surveillance régulateur, mis en place législativement. Si le système d’auto-régulation échoue, il existe alors une possibilité immédiate d’intervention de la part du régulateur, afin de garantir la protection des objectifs d’intérêt public d’ensemble.
La trajectoire australienne en ce sens est traitée dans la partie suivante de ma présentation. Le fait de reconnaître l’auto et la co-régulation fut une excellente méthode pour traiter avec les secteurs des communications, ce qui fut reconnu par Marcelino Oreja, Membre de la Commission Européenne, lors du colloque sur l’auto-régulation de Saarbrücken le 20 avril 1999.
M. Oreja présenta des arguments judicieux, et selon moi corrects, pour une régulation continue des médias, notamment la diffusion et Internet, et pour que l’auto-régulation ou la co-régulation trouve sa place dans ce paysage régulateur qui cherche à traiter la capacité de richesse des chaînes dans l’ère numérique de la mondialisation :
« Le fait est que nous ne savons pas à quoi vont ressembler les marchés des médias de l’avenir. L’avenir n’est pas déterminé uniquement par la technologie, mais par toute une gamme de facteurs culturels, sociaux et économiques. Nous devons donc procéder par étape vers l’avenir, en adaptant nos outils régulateurs, pour tenir compte des nouveaux développements et des changements dans le paysage des médias, au fur et à mesure qu’ils surviennent. »
Il devient de plus en plus clair que les mécanismes d’auto-régulation jouent et doivent jouer un rôle important à ce titre. C’est un principe important par rapport à la question de savoir “qui” est responsable, car cela implique une participation accrue du secteur lui-même et un degré moindre d’intervention publique.
De fait, c’est pour cela que l’initiative d’aujourd’hui du Président allemand est si opportune et si bien accueillie, et c’est pourquoi la Commission la soutient.
Je sais que l’un des objectifs du président, lorsqu’il a entamé cet exercice, était d’éclaircir le concept d’auto-régulation. Si vous le permettez, je souhaiterais donc proposer ma modeste contribution à cet égard.
Tout d’abord je voudrais exposer clairement ce que pour moi l’auto-régulation n’est pas.
L’auto-régulation n’est pas simplement l’absence de régulation. Il ne faut pas non plus la concevoir – ce qui est parfois le cas – comme un objectif en soi, comme quelque chose de fondamentalement supérieur et donc de plus souhaitable que la régulation ou que la législation.
Pour moi, l’auto-régulation est simplement un moyen pour arriver à une fin, un moyen parmi plusieurs dont nous disposons.
A ce titre, une autre possibilité, qui n’est nullement exclue, touche au besoin pour les organismes régulateurs du secteur audiovisuel d’être indépendants du pouvoir politique. Ils doivent faire partie de la réponse à la question “qui” pré-citée.
Je suis convaincu que l’une des tâches premières des organismes régulateurs actuels est de garantir le pluralisme dans la diffusion et d’assurer la conformité aux règles sur le contenu de la part de tous les organismes ayant recours à l’audiovisuel.
Il est clair que ce qu’on a appelé “auto-régulation” peut fournir un supplément souple et évolutif à la régulation de base. L’expérience allemande nous donne encore une fois un exemple précieux avec les conseils de télévision, dont les membres sont issus de tous les groupes de la société allemande. Mais revenons maintenant à la question de l’auto-régulation.
Au sens large du terme, je dirais qu’il existe deux types principaux d’auto-régulation:
Premièrement, il y a l’auto-régulation où les opérateurs et autres intéressés d’un secteur se mettent d’accord entre eux sur des règles de comportement données. Ceci est habituellement réalisé sur la base de codes de conduite. L’objectif essentiel d’une telle action est souvent d’éviter le besoin d’avoir recours à la régulation du gouvernement. Un exemple de ce type d’auto-régulation est le Code de Presse du Royaume-Uni. Ici, le “qui” est surtout le secteur lui-même et le public (qui peut avoir recours à un mécanisme de plainte).
Deuxièmement, il y a l’auto-régulation qui s’insère dans un cadre juridique, ou dont les bases sont établies par la loi. Lors de la conférence audiovisuelle de Birmingham, on l’a décrite comme étant une “auto-régulation régulée”. Dans ce cas, les autorités publiques établissent généralement une série d’objectifs à atteindre – et peut-être aussi des règles de conduite générales – mais ce sont les opérateurs et les autres intéressés qui établissent, mettent en oeuvre et parfois surveillent le respect des règles plus détaillées par le biais desquelles ces objectifs sont atteints. Parfois, le cadre juridique comprend des actions de soutien de la part des autorités publiques au cas où l’auto-régulation échouerait. Un exemple de cette approche est la “loi multimédias” allemande et notamment les dispositions visant à la protection de la jeunesse. Le “qui” ici est un partenariat entre les autorités publiques et le secteur, qu’on appelle parfois co-régulation.
Il faut souligner toutefois que les deux types d’auto-régulation ont des liens avec un type de régulation (60).
La gamme d’options régulatrices pour le secteur des communications s’étend de – aucune régulation, en passant par l’auto-régulation du secteur, jusqu’à la co-régulation où la fonction de régulation est partagée entre un régulateur et des associations du secteur qui, ensemble, viennent compléter la réglementation autoritaire du gouvernement. C’est ce modèle co-régulateur que l’Australie et le Canada recherchent, et je vais maintenant explorer l’approche australienne dans ce domaine.
7 – De la non-régulation à la co-régulation – la régulation de la diffusion australienne 1993-2000
7.1 – Historique de la régulation de la diffusion australienne jusqu’en 1992
La diffusion en Australie est régie par la section s.51 (v) de la Constitution australienne qui donne le pouvoir au gouvernement du Commonwealth de promulguer des lois liées aux “services postaux, télégraphiques, téléphoniques et autres services similaires”. Le Tribunal de grande instance d’Australie dans le procès Jones v. Commonwealth (1966) 112 CLR 206 à 226 se prononça de la façon suivante :
Le pouvoir en fonction de la section s.51(v) ne se limite pas à prévoir l’institution, la maintenance ou l’opération de services télégraphiques, téléphoniques ou autres services, mais touche au choix des personnes qui peuvent utiliser ces services, que ce soit pour envoyer ou pour recevoir des communications, les conditions, dans lesquelles ces personnes peuvent en faire usage, et également tous les aspects de l’usage et des avantages que ces personnes peuvent en tirer.
La diffusion en Australie débuta officiellement le 23 novembre 1923. En 1932 la loi ‘Australian Broadcasting Commission Act’ fut votée, et établit le système de diffusion national comme étant une opération de propriété publique appelée la ‘Australian Broadcasting Commission’, en sus du secteur radio commercial. En 1942, le comité paritaire parlementaire sur la diffusion TSF (le comité Gibson) exprima le besoin pour la diffusion de garantir que sa puissante influence soit utilisée pour le bien de la société. Le comité était d’avis qu’il était nécessaire d’appliquer une régulation “pour avoir au moins un élément de contrôle public de programmes dans l’intérêt général de la communauté, non pas uniquement pour éviter que le service ne soit employé pour des objectifs impropres, mais pour garantir qu’il exerce une influence positive une fois pour toute sur la personnalité individuelle et nationale” (61).
A la suite du rapport Gibson, en 1942, la loi ‘Australian Broadcasting Act’ fut votée, mais en 1948 elle fut amendée pour permettre la mise en place de l’ ‘Australian Broadcasting Control Board (ABCB)’ qui reprit les les fonctions de régulation du ‘Département du Chef des Postes’ en matière de diffusion commerciale (62).
Le rôle du nouveau conseil était, entre autres :
- de garantir que la fourniture de stations de radio, télévision et facsimiles soit conforme aux plans approuvés par le chef des postes (Postmaster-General).
- de garantir que les normes, procédures et équipement techniques soient adéquats.
- de garantir des programmes appropriés et détaillés
- de garantir que les programmes politiques soient fournis de “manière équitable”.
- de présenter des recommandations au Ministre des Communications en ce qui concerne les licences de stations de radio commerciale et (plus tard) de télévision.
La Commission Royale de 1954 sur la Télévision en Australie trancha en déclarant qu’ en ce qui concernait la présentation de bon goût par le biais de principes de programme positifs, ces dispositions régulatrices étaient nécessaires, “afin de permettre, non seulement divertissement et plaisir aux spectateurs, mais aussi éducation…et enrichissement intellectuel. L’emploi de ce nouveau moyen de communication doit, à notre avis, être considéré par les stations commerciales aussi bien que nationales comme un cartel publicitaire public devant bénéficier à tous les membres de la société” (63).
En 1956, la loi de 1942 fut amendée et devint la ‘Broadcasting and Television Act’ qui permit à la ABCB d’appliquer à la télévision commerciale les mêmes systèmes de licences que pour la radio commerciale, avec cette modification cependant, qu’il y aurait désormais une enquête publique menée par le Conseil d’Administration avant d’accorder, de renouveler ou d’annuler toute licence. Des dispositions furent également introduites qui renforçaient de façon précise le rôle de la ABCB, telles que :
- prendre des décisions relatives au contenu australien qui devait être compris dans la programmation commerciale.
- gérer les nouvelles limitations relatives à la propriété et au contrôle des stations de télévision dans les grandes villes australiennes: la règle des “deux stations”.
- superviser les nouvelles règles relatives à la propriété étrangère.
Les amendements de 1956 retiraient le responsable de diffusion nationale, la ABC, de la supervision de la ABCB pour ce qui était du contenu des programmes. Certaines faiblesses estimées par la ABCB quant à ces pouvoirs relatifs au contenu australien débouchèrent sur le comité du sénat de 1963 et sur l’encouragement de la production australienne pour la télévision, dirigé par le Sénateur J.G. Vincent qui recommanda que la loi dite ‘Broadcasting and Television Act’ soit amendée afin de clarifier les pouvoirs de programmation de la ABCB relatifs au contenu australien (64).
En 1976 le gouvernement du Commonwealth décida d’abolir la ABCB et de la remplacer, dès le 1er janvier 1977, par l’ ‘Australian Broadcasting Tribunal (ABT)’. L’ ABT devint un organisme statutaire indépendant avec un pouvoir juridiquement indépendant quant aux questions de licences, de propriété et de contrôle. Les licences étaient habituellement renouvelées pour des périodes de trois ans après qu’une enquête publique de l’ ABT ait eu lieu pour étudier la question.
L’une des premières tâches de l’ ABT fut l’organisation d’une enquête pour déterminer si les diffuseurs commerciaux pouvaient s’auto-réguler dans certains domaines. Cette enquête sur l’auto-régulation parvint à la conclusion que l’on ne pouvait attendre des responsables de diffusion qu’ils s’auto-régulassent immédiatement dans des domaines comme les programmes pour enfants, le contenu australien et la publicité, lorsque les intérêts commerciaux des responsables de diffusion étaient en conflit significatif avec l’intérêt public. D’autres domaines relatifs au contenu furent considérés comme prêts à être régulés par le biais des codes du secteur. Cet élément d’auto-régulation ne fut pas appliqué sur le moment, au lieu de quoi, l’ ABT entreprit la révision de toutes les règles de contenu existantes. Cependant, la conclusion la plus importante de l’enquête sur l’auto-régulation, qui était que les diffuseurs devaient être davantage responsabilisés par rapport au public, fut mise en oeuvre. L’ ABT mit l’accent sur le besoin d’évaluer la performance des stations et sur les audiences de renouvellement des licences par rapport aux besoins de la communauté. Non seulement les diffuseurs devaient-ils devenir plus responsables et plus réceptifs devant les intérêts du public, avec l’accent placé sur des audiences publiques, mais l’ ABT souligna en outre longuement la question des processus publics pour la performance de ses fonctions, y compris le développement de nouveaux principes de programmes. Dans les années 90, ces principes allaient former la base des codes du secteur, couvrant des domaines comme le bon goût, la décence, l’exactitude et l’équitabilité dans les informations et les documents d’actualité.
Ces principes, qui ont eu une influence décisive sur la télévision australienne depuis lors, étaient les suivants:
- principe de contenu australien dans les programmes – 1990
- principe de télévision pour enfants – 1984.
- principe de contenu australien pour la publicité – 1992.
Ces règles, qui couvrent certains des domaines les plus controversés de la régulation de la diffusion, sont restées les mêmes que celles qui avaient été stipulées à l’origine par l’ ABA. Elles sont considérées comme étant responsables du caractère australien, de la télévision australienne et de la vigueur du secteur de production de télévision locale, y compris la télévision pour enfants. En fait, l’Australie est devenue un modèle en matière de réglementation de la télévision pour enfants, afin d’atteindre l’objectif d’intérêt public dans ce domaine.
Bien que les diverses clauses discrétionnaires de la loi ‘Broadcasting and Television Act’ de 1942, telle qu’amendée ultérieurement, ne se soient pas toujours référées au rôle de la régulation de la diffusion pour la protection de l’intérêt public, l’ABT chercha lui-même à faire référence à l’intérêt public dans l’exercice de ses devoirs et pouvoirs. Dans le procès de R v. ‘Australian Broadcasting Tribunal’; ex parte 2HD 144 CLR 1979-1980 45, le Tribunal de Grande Instance australien soutint une décision prise par l’ABT, selon laquelle il refusait de consentir au transfert d’une licence de diffusion en invoquant pour motif le fait que le transfert serait contraire aux “intérêts du public” dans la région de Newcastle, même si la disposition en question de cette loi ne faisait pas référence à l’intérêt public. Le Tribunal de Grande Instance trancha de la façon suivante :
« Lorsque l’objectif du statut est de promouvoir et de protéger l’intérêt public (en ce qui concerne la diffusion), la discrétion statutaire (du régulateur), si elle n’est pas limitée de façon pertinente, doit être comprise comme permettant au tribunal de protéger le public contre la possibilité de préjudice ou de détriment. Le tribunal se préoccupait à juste titre de la possibilité de l’influence qui pourrait émaner d’une concentration de propriété qu’elle avait relevée comme étant pertinente à l’intérêt public »(54).
Ce dossier souligna le pouvoir dont disposait l’ABT de tenir compte des considérations d’intérêt public, même lorsque la loi directrice ne référait pas directement à ces considérations. Mais il mit aussi l’accent sur la nécessité, pour la législation australienne, d’énoncer plus clairement le genre de questions qui devaient guider le tribunal dans sa réflexion sur des questions d’intérêt public. Au fil des années 80, le tribunal lui-même s’enlisa dans la controverse qui faisait rage sur le renouvellement incessant d’audiences sur des questions de licences, ce qui attira une attention presque obsessionnelle de la part des médias, et qui favorisa la notion selon laquelle l’ABT était focalisé sur les litiges. Le cadre régulateur interventionniste et normatif subit une pression croissante pour procéder à une réforme, avec la montée de nouveaux mots d’ordre de dé-régulation et de politique de concurrence. Dès le début des années 90, le secteur et le gouvernement voulaient trouver une nouvelle orientation pour la régulation de la diffusion, qui serait dotée de directives d’intérêt public plus claires pour le régulateur et pour le secteur. Avec la possibilité de nombreux services nouveaux, qui résultent dans une certaine mesure de progrès technologiques et de pressions pour une plus grande concurrence sur le marché, l’époque d’une plus grande auto-gestion du secteur était arrivée.
7.2 – Co-régulation de la diffusion – La nouvelle approche australienne
La loi ‘Broadcasting Services Act’ de 1992 et mise en place de la ‘Australian Broadcasting Authority’
En 1991, le Ministre des Communications Australien annonça une révision des réglements de la diffusion en Australie afin de considérer quelle serait la meilleure façon de se détacher du régime régulateur autoritaire administré par l’ABT.
L’édition du document de réforme de la diffusion de janvier 1993, intitulé ‘une approche nouvelle de la régulation’, donne une vue d’ensemble des objectifs de réforme du gouvernement d’alors. ‘La révision de la régulation de la diffusion, annoncée comme partie intégrante du programme de réforme micro-économique du gouvernement de 1987, atteignit son apogée avec la proclamation de la loi ‘Broadcasting Services Act’ du 5 octobre 1992. Cette révision fut provoquée par des inquiétudes répandues sur la complexité et l’inefficacité de la loi de 1942, notamment sa capacité à gérer les technologies et services en émergence. Conformément aux objectifs de réforme plus larges du gouvernement, la révision avait pour but de :
- développer une législation de la diffusion pour servir l’Australie au cours du siècle à venir, et servir de complément aux réformes marquantes des télécommunications;
- se détacher de l’approche étroitement normative de la loi de diffusion de 1942;
- présenter un cadre susceptible d’accueillir l’avenir et d’assurer la promotion d’un secteur qui puisse s’adapter aux nouvelles réalités commerciales et technologiques;
- émettre des dispositions régulatrices qui soient cohérentes et prévisibles et qui n’entravent pas les activités commerciales sans raison;
- offrir des opportunités de consultation du public par le biais de processus de prise de décision qui soient transparents et responsables; et
- fournir un cadre régulateur qui soit, le plus possible, cohérent avec la législation commerciale dans son ensemble.
La loi ‘Broadcasting Services Act’ de 1992 remplaça la loi ‘Broadcasting Act’ de 1942, vieille de cinquante ans, caractérisée par une tendance aux litiges, et par trop amendée. La loi ‘Broadcasting Services Act’ de 1992 mit en place un nouvel organisme de régulation, l’ ‘Australian Broadcasting Authority, (ABA)’ qui remplaçait l’ ‘Australian Broadcasting Tribunal’ si critiqué, en tant qu’organisme responsable de la gestion du nouveau régime régulateur pour le secteur australien de la diffusion radio et télévision. Je suis convaincu que la loi ‘Broadcasting Services Act’ de 1992 a, dans une large mesure atteint le double objectif de souplesse et de certitude, et a établi un cadre efficace de travail pour que le secteur australien de la diffusion progresse et se développe.
Lorsqu’il proposa un nouveau régime de diffusion en 1992, le gouvernement australien de l’époque avait clairement l’intention que la loi établisse un cadre régulateur approprié pour le secteur de la diffusion, qui continue à servir l’Australie au début du vingt-et-unième siècle.
Le Sénateur Collins, Ministre des Communications, au cours de la lecture de son deuxième discours en juin 1992, souligna les objectifs principaux de ce régime régulateur :
« La version finale de la loi opère un équilibre entre les aspirations diverses et souvent conflictuelles de ceux qui s’intéressent au secteur de la diffusion et développe un cadre régulateur servant l’intérêt public sous toutes ses formes – sociale, culturelle, économique – tout en répondant aux besoins d’un secteur changeant et croissant. »
Nous avons besoin d’une nouvelle législation, susceptible de permettre au secteur de la diffusion de réagir tant aux complexités du marché moderne qu’aux opportunités créées par les développements technologiques.
L’intention qui sous-tend le cadre tout entier touche au fait que différents niveaux de contrôle régulateurs s’appliquent à toute la gamme des services de diffusion en fonction du niveau d’influence que ces services sont susceptibles d’exercer.
La caractéristique qui sous-tend le cadre régulateur est son approche “légère” et “co-régulatrice” de la régulation. Comme le Sénateur Collins l’a expliqué, c’était l’intention claire du gouvernement australien que différents niveaux de contrôle régulateur s’appliquassent à toute la gamme des services de diffusion selon le niveau d’influence que ces services pouvaient exercer. La loi de 1992 chercha à mettre ce concept en œuvre, non pas en définissant les services par leur moyens de réception, mais par leur nature; par exemple la diffusion télévision commerciale, la diffusion radio communautaire ou la diffusion à bande étroite sur la base d’abonnements.
De cette façon, la loi de 1992 visait à faciliter l’émergence de nouveaux types de services, ainsi qu’un plus grand nombre de services; de garantir un accès plus large du public aux processus de régulation; de maintenir la continuité des devoirs des responsables de diffusion commerciaux par rapport au contenu australien, et aux principes s’appliquant à la télévision pour enfants; et de garantir que soient effectivement mis en œuvre les objectifs du Parlement sur la diversité de la propriété.
Le gouvernement australien de l’époque était particulièrement désireux de voir la régulation de la diffusion se détacher d’un régime prédisposé aux litiges et administré par l’ ‘Australian Broadcasting Tribunal’, pour qu’elle se rapprochât d’un schéma de régulation plus coopératif et réciproquement responsable, mû par les forces du marché, où l’un des rôles clés du responsable de la régulation était de garantir que l’on répondît aux intérêts de la communauté dans des domaines où le marché ne le ferait peut-être pas.
Le gouvernement australien avait à l’esprit un certain nombre de résultats clairs au niveau de l’intérêt public et du secteur qu’il voulait atteindre dans le domaine de la diffusion. Ceux-ci sont énumérés dans les objectifs de la loi ‘Broadcasting Services Act’ de 1992. Cependant, le gouvernement reconnaissait qu’il y aurait des tensions inhérentes entre les différents objectifs. Le gouvernement était d’avis que, plutôt que d’essayer de résoudre ces tensions dans le cadre de la loi de 1992, il laisserait ce soin au nouvel organisme de régulation, l’‘Australian Broadcasting Authority’, qui étudierait ces questions au cas par cas.
Objectifs clairs d’intérêt public
L’un des grands succès de la loi ‘Broadcasting Services Act’ de 1992, qui je pense, a résisté au passage du temps, touche aux objectifs qui sont précisés dans la section 3. Ceux-ci esquissent les objectifs d’intérêt public clés pour la réglementation de la diffusion en Australie à partir de 1992. Cela vaut la peine, je pense, d’énumérer ces objectifs dans le détail car ils sous-tendent l’ensemble du processus de prise de décision de l’ ‘Australian Broadcasting Authority’. Il s’agit de :
- promouvoir la disponibilité d’une gamme étendue de services radio et télévision offrant divertissement, éducation et information aux auditeurs/spectateurs de toute l’Australie;
- fournir un cadre régulateur susceptible de faciliter le développement d’un secteur de diffusion en Australie qui soit efficace, concurrentiel et qui réponde aux besoins des auditeurs/spectateurs;
- encourager la diversité quant au contrôle des services de diffusion ayant le plus d’influence;
- garantir que les Australiens aient le contrôle effectif des services de diffusion ayant le plus d’influence;
- promouvoir le rôle des services de diffusion dans le développement et le reflet d’ un sentiment d’identité, de personnalité et de diversité culturelle australiennes;
- promouvoir une programmation de haut niveau et innovatrice par les fournisseurs de services de diffusion;
- encourager les fournisseurs de services de diffusion commerciaux et communautaires à répondre au besoin d’une couverture équitable et exacte de questions d’intérêt public et d’une couverture appropriée de questions d’importance locale;
- encourager les fournisseurs de services de diffusion à respecter les principes de la communauté dans la fourniture de matériel de programme;
- encourager les moyens de traitement des plaintes sur les services de diffusion;
- encourager les fournisseurs de services de diffusion à placer une vive priorité sur la protection des enfants devant une exposition à un matériel de programme qui puisse leur être néfaste.
L’on peut percevoir dans ces objectifs des similitudes qui ont fait surface à plusieurs reprises dans la politique de régulation de la diffusion au Royaume-Uni, au Canada et en Australie depuis les années 1920.
L’ ‘Australian Broadcasting Authority’ a attaché une attention particulière à ces objectifs dans les processus de planification de licences et dans les processus de principes pour le contenu australien et la télévision pour enfants. L’ ABA a trouvé ces objectifs extrêmement précieux, et ils méritent de continuer à exister quelle que soit l’orientation future de la régulation de la diffusion et de celle des services en-ligne en Australie.
Mesurer l’intérêt public – Consultation du public et recherche
Comme je l’ai mentionné plus tôt, il est clairement souhaitable qu’un régulateur qui désire atteindre l’intérêt public, entame un dialogue avec le public pour tenter de dégager son point de vue sur diverses questions que la régulation traite. Le moyen principal pour ce faire est le processus ouvert de consultation du public. L’un des succès majeurs, tant de la loi ‘Broadcasting Services Act’ de 1992 que de l’ ABA, a été de prévoir et d’organiser une consultation poussée du public et du secteur sur une gamme étendue de sujets. La section 27 de la loi ‘Broadcasting Services Act’ de 1992 prévoit que, lorsqu’elle accomplit ses fonctions de planification du spectre, l’ABA permette une consultation étendue du public. Il est inhérent à ces dispositions que toute variation de priorités ou de plans doit également impliquer une consultation étendue du public (ss.24 (2), 25 (2), 26 (2) et 27 (1)).
Les dispositions qui figurent à la section s.123, concernant le développement de codes d’usage du secteur, font aussi référence au besoin de tenir compte des principes et préoccupations de la communauté sur un éventail de questions (s.123 (2) (a), (c), (l)). Lors du développement des codes d’usage relatifs à certaines questions, il est important de noter que les attitudes de la communauté doivent être prises en compte pour tout un éventail de questions (s.123 (3)). L’ ABA ne peut enregistrer des codes d’usages du secteur que si elle est assurée, entre autres, que le code soit soutenu par une majorité des responsables de diffusion dans ce secteur (s.123 (4) (b) (ii)), et que l’on ait donné aux membres du public l’opportunité de soumettre des commentaires sur le projet de code (s. 123 (4) (b) (iii)). L’ ABA doit (s. 126), avant d’approuver, de modifier ou de révoquer de tels principes ayant trait au contenu australien et à la télévision pour enfants (s. 122), rechercher les commentaires du public sur le principe proposé, ou toute modification ou révocation dudit principe. Lorsque l’ABA s’informe sur toute question pertinente à ses fonctions, elle peut (s. 168 (l)) :
- consulter les personnes, les organismes ou les groupes qu’elle juge utiles, et peut former des comités consultatifs à cet effet;
- diriger des enquêtes et organiser des audiences; et
- s’informer par d’autres moyens, de quelque manière qu’elle juge appropriée.
Lorsque l’ ABA publie un rapport, elle doit (s. 180) donner aux personnes pour lesquelles ledit rapport présente un caractère hostile, l’occasion de présenter un commentaire sur ce rapport avant qu’il ne soit publié.
Toute audience organisée par l’ABA doit avoir lieu en public sauf en cas de circonstances exceptionnelles exigeant que soit préservée la confidentialité (s. 187). L’instruction claire de la loi ‘Broadcasting Services Act’ de 1992 à la ‘Australian Broadcasting Authority’ par le biais de ces dispositions était d’être ouverte au public et de le consulter autant que possible.
La consultation est la clé du style d’organisation et d’opération de l’ ABA. Ceci, toutefois, représente un coût – en terme de temps consacré au processus et en terme de ressources utilisées. Cependant, il me semble que les résultats obtenus soutiennent l’effort ainsi consenti puisque la réaction aux décisions de l’ABA, lors de ses divers processus de rapport, a été largement favorable.
Codes du secteur
L’un des grands succès de la loi ‘Broadcasting Services Act’ de 1992 fut le développement d’une approche co-régulatrice des divers segments du secteur par le biais de l’exigence de développement et d’administration des codes d’usage du secteur.
C’était l’intention première de ceux qui ont rédigé la loi ‘Broadcasting Services Act’ de 1992, de placer le secteur de la diffusion sur une plate-forme entièrement auto-régulée ; mais à la suite de consultations avec le public, un mode de co-régulation, qui remporta un vif succès, fut incorporé à la loi ‘BSA’ de 1992. Le rôle de la consultation qui fait officiellement partie de la législation a contribué de façon significative au succès du modèle et garantit que les codes sont responsables et répondent aux besoins et attentes de la communauté.
Le modèle de la loi ‘BSA’ de 1992 exige que le secteur s’auto-régule segment par segment mais reconnaît aussi le besoin d’une gestion du processus par un organisme régulateur du gouvernment, à savoir l’ ABA, qui doit approuver les codes du secteur et qui est responsable de garantir que les titulaires d’une licence et les organismes du secteur répondent aux préoccupations du public. Cela signifiait que l’ ABA et le secteur ont dû développer une relation de travail qui fonctionnât dans la pratique et qui fût réciproquement bénéfique. Comme dans toute relation saine, de temps à autre, l’ABA a des différends avec le secteur et les détenteurs d’enjeux sectoriels mais, dans l’ensemble, un meilleur climat de confiance et de compréhension mutuelle a été élaboré.
Parmi les caractéristiques clés d’une telle approche, on note :
- une consultation entre l’ABA et les détenteurs d’enjeux du secteur concernés au début du processus;
- l’apport de directives faisant suite à la loi ‘BSA’ de 1992 sur la base desquelles l’industrie peut développer des schémas d’auto-régulation appropriés;
- la demande par l’ABA de recherche sur les principes de la communauté afin de garantir que l’ ABA soit consciente des préoccupations actuelles de la communauté;
- l’offre d’opportunités au public et au secteur au sens large d’apporter leurs commentaires dans le cadre de processus officiels tels que des enquêtes sur les normes de télévision et avant l’enregistrement des codes;
- la publication de directives de l’ ABA sur les processus de prise de décision;
- des opportunités de recueillir les réactions du secteur et du public sur les décisions prises par l’ ABA; et
- une formulation claire par l’ABA des raisons qui ont guidé ses décisions.
L’existence du modèle coopératif de régulation a débouché sur des relations très positives entre l’ABA et le secteur. Un exemple de l’avantage que l’on peut tirer d’une approche plus coopérative et moins agressive réside en le développement d’un régime de conformité volontaire, avec le fait que l’idée de la licence soit une condition des dépenses engagées par les chaînes payantes (pay TV) de séries dramatiques pour les nouveaux programmes de drames australiens. (‘Broadcasting Services Act s. 102 & s. 215 (2)).
Or, là où la législation n’avait pas anticipé la façon dont se développerait le secteur des chaînes payantes, l’exigence pour des niveaux de dépenses obligatoires pour des nouvelles séries dramatiques australiennes n’a pu être être appliquée. L’environnement dans lequel l’ ABA et les opérateurs des chaînes payantes se sont consultés, cependant, a permis une mise en conformité volontaire du secteur avec la loi BSA de 1992.
Ceci représente un succès notoire tant pour le secteur que pour l’ ABA. La mise en conformité volontaire ne s’est pas contentée de se produire: elle reflète également l’approche de consultation employée à la fois par l’ ABA et par le secteur pour répondre à des questions qui touchent aux codes, aux normes et aux conditions.
Évidemment, d’aucuns pensent que tout ceci a mené à des relations trop rapprochées entre l’ ABA et le secteur. Je comprends ce point de vue, mais ne le partage pas. Il est dans l’intérêt du public que l’ ABA puisse travailler avec le secteur pour obtenir des résultats positifs dans la diffusion afin de permettre d’éviter des confrontations et litiges superflus, et de garantir que les objectifs d’ensemble de la loi BSA de 1992 soient atteints. Je peux citer de nombreux cas qui prouvent que, là où l’ ABA a dû s’opposer à la position adoptée par le secteur ou par les titulaires de licences afin de sauvegarder l’intérêt public, elle l’a fait sans hésiter. Le renforcement du quota de transmission de contenu australien, l’introduction d’un quota de documentaires et le renforcement du quota de programmes pour les enfants australiens dans le cadre de la révision de 1994-1995 du principe du contenu australien sont autant d’exemples de cet état de fait. La découverte, par l’ABA en 1997, d’une infraction aux dispositions de contrôle étranger de la loi BSA de 1992 par CanWest, constitue un témoignage supplémentaire sur une société individuelle.
La communication récente en date du 9 juillet 1999 du projet de plan régional de licences pour la région métropolitaine de Sydney, propose plusieurs services commerciaux supplémentaires dans le marché de la radio le plus lucratif d’Australie, et constitue un autre témoignage de cet état de fait. Un nouvel exemple: la demande d’une enquête publique le 19 octobre 1999 sur les activités des présentateurs à l’antenne de Radio 2UE, ainsi que d’autres, concernant des allégations d’ “argent versé pour commentaires”.
Un autre exemple encore fut l’imposition, en 1998, d’une condition pour le titulaire de licence d’une nouvelle télévision commerciale en Australie occidentale éloignée et régionale, afin de faire en sorte que tous les secteurs de la région reçoivent la couverture du nouveau service, et non pas seulement les secteurs attrayants d’un point de vue commercial.
Je puis certainement avancer que je n’ai jamais eu de preuves que l’ ABA ait succombé aux pressions exercées par le secteur de la diffusion. Elle s’est constamment efforcée d’être objective et impartiale, afin d’évaluer toute l’information dont elle disposait et d’utiliser cette information pour atteindre un objectif unique, à savoir la conformité avec la loi BSA de 1992, en se laissant guider par les objectifs que la loi énonce si clairement. Toutefois, tout en réalisant cela, l’ ABA est également consciente qu’elle n’a pas, à elle seule, la responsabilité de réguler le secteur de la diffusion, mais qu’elle le fait en coopération avec le secteur dans le cadre du schéma de co-régulation.
Arbitrage du processus d’auto-régulation – enregistrement des codes et traitement des plaintes par l’ABA
L’un des besoins fondamentaux de tout système auto-régulateur consiste en l’existence d’un arbitre qui gère l’ensemble et qui garantisse que le secteur soit bien en conformité avec ses devoirs envers le schéma d’auto-régulation d’intérêt public.
L’approche co-régulatrice australienne exige que le secteur de la diffusion assume ses responsabilités envers le public et maintienne effectivement ses responsabilités en travaillant en coopération avec l’ ABA. L’ ABA est donc ainsi l’arbitre du schéma d’auto-régulation de la diffusion en Australie.
Dans la section s. 123, la loi BSA de 1992 attribue au secteur de la diffusion le devoir d’établir et de développer des codes d’usage appropriés pour le secteur et la communauté. A l’origine, lorsque la loi fut votée le 31 janvier 1992, l’ ABA travaillait côte à côte avec le secteur pour l’aider à assumer ses nouvelles responsabilités au titre de la législation dans le développementr et la mise en œuvre de codes d’usage qui soient cohérents avec les objectifs de la loi. Les organismes principaux de diffusion commerciale, la Fédération de Services de Télévision Commerciale Australienne (FACTS en anglais) et la Fédération des Responsables de Diffusion Radio (FARB en anglais) enregistrèrent leurs codes en 1993, suivis par deux diffuseurs nationaux, l’ ‘Australian Broadcasting Corporation (ABC)’ et le ‘Special Broadcasting Service (SBS)’. Dès 1997, le secteur de la diffusion avait enregistré les derniers codes, ceux de la diffusion communautaire (1995) et des secteurs à abonnement et à bande étroite de diffusion. Le code FACTS révisé fut enregistré par l’ ABA en 1999 et un projet de code FARB révisé est actuellement devant l’ ABA pour étude.
L’approche co-régulatrice met l’accent sur la responsabilité des organismes diffuseurs de traiter de façon efficace les plaintes du public et de remédier eux-mêmes aux préoccupations du public. La loi BSA de 1992 stipule aux sections s. 123 (2) (h) et s. 148 que les diffuseurs doivent eux-mêmes traiter les plaintes publiques en fonction des principes qui ont été établis comme codes d’usage avec la communauté. Si le public n’est pas satisfait de la réponse du diffuseur, ou si ce dernier est en infraction par rapport à une condition de sa licence, le système co-régulateur prévoit un recours à l’ABA (s. 147). La présence de l’organisme gouvernemental de régulation devient donc une forme stable d’intervention et de recours juridique pour environ 100 à 130 plaintes par an, dont 30 sont déclarées, par l’ABA, être en infraction avec les codes du secteur de la diffusion ou avec les conditions qui gouvernent les licences accordées.
Le fait de privilégier les préoccupations justifiées que les diffuseurs peuvent rectifier par rapport au contenu ne constitue pas une approche punitive. Le processus de plaintes est plutôt conçu pour que les diffuseurs traitent de façon responsable leur devoir public et s’en servent comme moyen précieux et direct de recevoir les réactions du public. Une composante du processus consiste en la garantie par l’ ABA que les diffuseurs traitent les plaintes promptement. Je pense que l’ ABA doit aussi prendre en considération la possibilité de rendre officielles les corrections et excuses rapidement effectuées à l’antenne après un événement donné. L’ABA reconnaît que les diffuseurs ont souvent tendance à se servir de l’argument juridique de litige potentiel pouvant déboucher sur un procès pour diffamation, afin de retarder une réponse à une plainte qui pourrait être trop rapide, surtout lorsqu’une réaction pratiquement immédiate à l’antenne satisfait souvent le plaignant, comme, par exemple, lorsque sa réputation a été injustement ternie.
Bien qu’en Australie la co-régulation soit un système reposant sur les plaintes, une caractéristique saillante de ce cadre est la responsabilité de l’ ABA, imposée par la loi, de vérifier la conformité aux principes que le secteur a établis comme codes d’usage, et d’intervenir dans la régulation si elle considère qu’il y a infraction à ces principes et que les objectifs de la loi ne sont pas maintenus (ss. 158 (I) (j)). La législation exige en outre de l’ ABA qu’elle prenne les mesures de conformisation nécessaires exigées par la loi, en ordonnant la suspension ou l’annulation de licences (ss. 158 (c) (f)). A cet égard, le rôle d’arbitre ou de médiateur pour répondre aux préoccupations du public que joue l’ ABA a lieu directement, et n’a pas besoin d’être provoqué par les plaintes du public.En jouant ce rôle d’arbitre dans un système co-régulateur, l’ABA a récemment demandé qu’une enquête soit ouverte en octobre 1999, afin d’examiner les allégations selon lesquelles la station de radio commerciale 2UE et ses présentateurs John Laws et Alan Jones, auraient effectué des commentaires éditoriaux pour lesquels un paiement ou une autre considération de valeur auraient été perçus. L’ ABA a examiné l’accord auquel avaient souscrit les deux présentateurs afin de déterminer si eux-mêmes et la station ne s’étaient pas pliés au principe de conduite exigé par les codes d’usage de radio commerciale traitant de “programmes d’informations, de documentaires d’actualité et de publicité”. Un volet de cette enquête déterminera si les codes actuels offrent des protections adéquates à la communauté pour ce qui est des allégations avancées et, si tel n’est pas le cas, comment répondre à ces préoccupations.
7.3 – Défis de l’avenir pour la diffusion australienne
Les réformes apportées à la régulation du secteur de la diffusion en Australie ont habituellement été couronnées de succès, apportant un équilibre entre les besoins du secteur et ceux de l’intérêt public. Confier au secteur la fonction de superviser et d’examiner minutieusement ses activités quotidiennes, ainsi que d’avoir recours aux associations et codes du secteur lui-même, placent la responsabilité, en premier lieu, sur les opérateurs. Et c’est là que cette responsabilité doit se situer.
Cependant, cette approche co-régulatrice exige le fait que le secteur accepte ses responsabilités envers le public, ce qui implique à son tour que le secteur concentre ses efforts et ses ressources pour garantir que le schéma fonctionne. La co-régulation ne signifie pas ‘absence de régulation’; elle ne signifie pas non plus ‘aucun coût pour le secteur’. En Australie, nous pensons que cette approche offre une base solide pour que le gouvernement travaille avec le secteur de la diffusion sur la convergence, les questions de télécommunications et en-ligne alors que nous avançons avec confiance vers l’ère numérique.
Je voudrais conclure cette partie de ma présentation en identifiant ce que je considère comme étant certains des défis clés que devront affronter les politiciens dans ce domaine des communications en Australie et à l’étranger. Il s’agit de :
- faire en sorte que le secteur, le public et le gouvernement comprennent et acceptent chacun leur rôle dans des dispositions co-régulatrices pour la gestion des secteurs de communications;
- faire en sorte que soient mis en place des schémas auto et co-régulateurs afin de maximiser la capacité du secteur à évoluer, à se développer et à changer, tout en répondant aux préoccupations relatives à la concurrence et aux consommateurs;
- répondre aux préoccupations réelles de la communauté touchant au contenu illégal et néfaste des services existants et nouveaux comme Internet, et réaliser cela par le biais de codes co-régulateurs, d’appellation du contenu et des schémas de classification;
- encourager la création d’un contenu nouveau, intéressant, intelligent et de qualité pour la diffusion et les services en-ligne;
- maximiser la capacité de tous les citoyens pour qu’ils puissent avoir accès à la gamme de services de communications qui émerge.
8 – La pertinence de la co-régulation/de l’auto-régulation et des principes d’intérêt public pour l’avenir de la diffusion
Après six ans de présence au sein de l’ ‘Australian Broadcasting Authority’, dont quatre en tant que directeur général et deux en tant que vice-président, j’ai tiré les conclusions suivantes sur l’état de la diffusion en Australie :
- La co-régulation est une approche valable pour traiter un secteur bien établi tel que la diffusion.
- Il existe une tendance chez les diffuseurs commerciaux aussi bien que publics à considérer l’auto-régulation comme une absence de régulation ou bien comme une régulation sans coût, et il faut qu’un organisme régulateur statutaire indépendant leur rappelle périodiquement leurs devoirs dans le cadre co-régulateur.
- Il est essentiel que tout processus auto-régulateur dispose d’un arbitre ou d’un médiateur qui garantisse que l’on adhère bien aux codes auto-régulateurs et qui permette au public de faire appel en cas de plaintes relatives à des titulaires de licences ou à des fournisseurs de services.
- Les considérations d’intérêt public ont trop souvent tendance à être reléguées au second plan, lorsque des pressions se font sentir pour des questions données, et il convient de rappeler ces considérations d’intérêt public aux organismes de régulation ainsi qu’à ceux des secteurs.
- Les organisations qui fournissent un forum pour que le public s’exprime sur des questions d’intérêt public sont donc des composantes importantes d’un environnement co-régulateur sain et méritent d’être soutenues.
- Le citoyen individuel doit jouer un rôle actif dans le schéma co-régulateur, en tant que plaignant pour des problèmes de programmes et en tant qu’initiateur des enquêtes publiques dans des domaines comme le contenu australien, ou l’enquête de la radio 2UE, ou encore les processus de planification régional de licence.
- Les diffuseurs publics ou nationaux sains et financés de façon correcte sont un ingrédient essentiel de l’environnement national de diffusion des démocraties modernes.
- Les diffuseurs nationaux indépendants doivent, cependant, être soumis au même type de supervision régulatrice que le secteur commercial.
- L’accent qui porte sur l’éducation et la protection des enfants et des jeunes par rapport à un matériel illégal et néfaste, et la garantie qu’on leur fournisse un contenu de programme positif et qui les soutienne, est à juste titre devenu dans les années 80 et 90 l’un des impératifs moteurs principaux des cadres régulateurs de la diffusion.
- Les règles de contenu local sont des exigences d’intérêt public essentielles pour les pays comme l’Australie ou le Canada qui désirent maintenir une identité culturelle nationale distincte ou qui souhaite encourager la cohésion nationale.
- Les nouveaux secteurs de la diffusion tels que le câble et la télévision payante doivent être soumis à des régimes de régulation similaires à ceux qui s’appliquent aux secteurs commerciaux établis depuis longtemps, car l’intérêt public est tout aussi important dans cette partie du domaine public qu’il l’est pour la télévision gratuite. Cela est particulièrement vrai pour ce qui est des règles de contenu local, et à cet égard, un déséquilibre réel se fait sentir dans le régime régulateur australien, qui selon moi, est inapproprié et injuste en regard des services de télévision commerciaux dont la portée à l’antenne est gratuite.
- Une révision régulière, quelle qu’elle soit de la performance des titulaires de licences est nécessaire, plutôt qu’un simple renouvellement indéfini de leurs licences, comme c’est aujourd’hui le cas en Australie. En fin de compte, le pouvoir le plus important dont dispose un organisme de régulation de la diffusion est d’opérer la suspension ou l’annulation d’une licence ou de refuser de la renouveler. L’usage des ondes constitue un usage d’un bien public précieux et l’intérêt public exige véritablement qu’une sorte d’examen de la situation prenne place afin de décider si ceux qui ont reçu une licence méritent de continuer à utiliser cette partie du spectre. Je serais heureux que cela se produise tous les dix ans, plutôt que tous les cinq ans, et aimerais que les processus employés soient plus discrets que ceux du ‘Australian Broadcasting Tribunal’ dans les années 80. Ceci dit, les diffuseurs commerciaux payants et les diffuseurs communautaires australiens doivent tous affronter une mise en examen par le public.
- L’une des questions principales d’intérêt public pour les organismes de régulation de la diffusion/des communications à l’heure actuelle, période de transition technologique majeure entre les services analogues et les services numériques, doit être de garantir que l’intérêt de la communauté soit protégé et que la continuité des services soit préservée lors des phases de transition.
- Avant tout, les responsables de la réglementation doivent résister au chant des sirènes qui les rendrait esclaves du secteur, et doivent être reconnus comme les défenseurs valeureux du véritable intérêt public.
Je reste absolument convaincu qu’à la fin du vingtième siècle, et après quatre-vingts années de diffusion, les questions d’origine d’intérêt public que l’on concevait comme étant implicites dans l’usage du spectre de diffusion restent, en majeure partie inchangées, bien que notre façon de les exprimer exige peut-être une reformulation. Comme l’a dit Herbert Hoover en 1924, “(la diffusion) est une préoccupation publique qui porte le sceau de la confiance du public et qui doit être considérée principalement du point de vue de l’intérêt public…”
Et selon M. Marcelino Oreja, ancien membre de la Commission Européenne, lors du colloque sur l’auto-régulation dans les médias à Saarbrücken en avril de cette année :
« Le rôle des médias va plus loin que le simple fait de fournir des informations sur les manifestations et les questions du moment; les médias jouent également un rôle de formation de la société…ils sont en grande partie responsables de la création de concepts, de systèmes de croyances et même de langues…que les citoyens emploient pour donner un sens au monde dans lequel ils vivent, et l’interpréter…Autrement dit, les médias jouent un rôle majeur dans la formation de notre identité culturelle » (65).
Ces paroles reprennent les remarques présentées en 1977 dans le rapport Annan mentionné à la page 25 de cette présentation, et qui restent très appropriées, me semble-t-il, aux circonstances actuelles. Le discours de Saarbrücken de M. Oreja met en valeur le rôle continu des cadres régulateurs de la diffusion qui permettent d’atteindre des objectifs d’intérêt public plus larges :
- Il existe un certain nombre d’objectifs d’intérêt public qui doivent être préservés dans notre société, et qui ont une dimension européenne. A mon avis, nous pourrions les résumer ainsi:
- garantir la pluralité de la propriété;
- garantir une co-régulation juste et efficace;
- garantir une diversité du contenu,
- protéger les droits individuels à la vie privée, à la liberté d’expression, etc;
- protéger les droits de la propriété intellectuelle;
- maximiser le choix et l’accès des consommateurs individuels à l’information, et ce qui est très important
- garantir un degré élevé de protection des mineurs et de la dignité humaine.
… Il serait erroné d’arguer que les objectifs d’intérêt public – qui sont, après tout, établis par des institutions démocratiquement élues – deviennent, d’une certaine façon, hors de propos ou non valables à la suite de changements technologiques.
Je suis d’avis que ces éléments constituent un résumé des considérations clés d’intérêt public dans la politique de diffusion, éléments auxquels j’ajouterais pour des pays comme l’Australie et le Canada les questions d’identité culturelle nationale, de souveraineté et de cohésion sociale. Je prends également note de la déclaration qui est parue dans le Livret Vert irlandais de 1995 sur la diffusion: “Dans le cadre de la tradition de théorie et de pratique démocratique de l’Europe Occidentale, les modes de communications publiques se situent au coeur du processus démocratique. L’intérêt public est d’élargir et d’approfondir la démocratie en offrant à chaque citoyen des opportunités d’accès équitables et abordables au débat public médiatisé, ainsi qu’aux sources d’information véritablement diverses qui sont nécessaires pour participer à la vie sociale.” (66)
9 – Pertinence de la co-régulation de la diffusion pour les nouveaux médias tels qu’Internet
9.1 – Questions d’intérêt public pour Internet
Je suis convaincu que les perceptions d’origine d’intérêt public que l’on considérait applicables à la période de rareté du spectre de diffusion restent tout aussi appropriées dans cette nouvelle ère de diffusion numérique et d’Internet. En premier lieu, toutes les formes de communication utilisent les ondes ou la capacité du câble qui ne sont pas propriété privée mais des ressources publiques, même lorsque leur opération est autorisée à être entre des mains privées. La population de la planète est beaucoup plus importante aujourd’hui qu’elle ne l’était dans les années 20, et l’environnement actuel de “richesse de chaînes” est loin d’être aussi ample lorsqu’on le compare à l’équation population/spectre d’il y a quatre-vingts ans. La citation de Herbert Hoover de 1925, “l’éther est un milieu public, et son usage doit être à l’avantage du public” est aussi vraie aujourd’hui qu’à son époque. En ce qui concerne Internet, les cyber-anarchistes ont revendiqué un cyber-espace sans frontières, au-delà du contrôle des législateurs. Cela a toujours été une chimère qui allait à l’encontre de la réalité-même de l’espace dans lequel ils voulaient évoluer librement. Il est bien connu aujourd’hui que le cyber-espace a toujours été passé au crible et surveillé par les services secrets occidentaux, et doit en fait sa naissance aux besoins-mêmes des services secrets des Etats-Unis (67). Le fait est que les ordinateurs et ceux qui les utilisent se trouvent à l’intérieur de frontières nationales, sauf lorsqu’ils voyagent en haute mer ou dans l’espace aérien international. Ils sont, et doivent rester, soumis aux lois comme le sont toutes les autres actions des hommes civilisés. C’est ma thèse de fond, qu’au stade où nous sommes dans l’existence humaine, les parlements nationaux demeurent le forum principal pour que le citoyen individuel exerce son droit d’expression dans la gestion officielle des affaires de l’homme parce que, seuls les parlements nationaux ont le droit légitime de promulguer des lois dans l’intérêt public à l’intérieur des frontières nationales. Tel fut le cas pour la diffusion, et tel doit être aussi le cas pour Internet, tout au moins dans la mesure où il fournit des services de contenu comparables à ceux fournis par la diffusion. A propos, je prends note que les services ‘e-mail’ et ‘chat’ ne rentrent pas dans cette catégorie. Bien entendu, même la diffusion est devenue un milieu de plus en plus international. Internet est un moyen de communication instantanée qui se développe au sein des divers pays et entre eux. Toute règle qui cherche à le gérer tout en maintenant sa capacité à dépasser de façon efficace les frontières nationales doit agir aussi bien au niveau national qu’au niveau international. Les législateurs prudents ne chercheront donc pas à trop éloigner leur pays des développements qui ont lieu dans d’autres pays devenus de grands utilisateurs d’Internet. Cependant, les législateurs nationaux doivent agir, parce qu’ils sont élus par les citoyens pour représenter leurs intérêts et préoccupations, et des témoignages dévoilent clairement qu’il existe des préoccupations publiques significatives sur certains aspects du contenu d’Internet. Un rapport de recherche récent de la Fondation Allensbach a révélé des inquiétudes prononcées quant au contenu d’Internet(68) de la part des publics américain, allemand, et australien. Si l’on examine plusieurs des motivations clés d’intérêt public pour la réglementation de la diffusion depuis les années 20, l’on remarque qu’elles ont une continuité et une pertinence pour Internet :
- usage d’ondes publiques ou capacité de câble
- intrusion de ce média dans les foyers
- usage croissant de ce média pour une communication plus grande tant au niveau du contenu que des moyens d’accès
- information éducationnelle et besoins de contenu divertissant
- identité culturelle et souveraineté nationales
- protection des enfants par rapport à un contenu illégal ou néfaste
- diversité d’expression
- concurrence
- caractère privé
Outre ces caractéristiques, si l’auto-régulation du secteur est la voie que suivra le contenu d’Internet, il existe alors clairement un besoin de disposer d’un arbitre ou d’un médiateur dans le processus d’auto-régulation, ainsi qu’ un besoin de développer des lignes d’appel pour les plaintes, qui soient neutres vis à vis du secteur.
Equilibrer les droits de liberté d’expression avec d’autres objectifs d’intérêt public
Partout où l’on se positionne sur Internet, on note des problèmes de gestion qui exigent une forme d’intervention régulatrice, que ce soit au niveau du gouvernement, du secteur ou du consommateur – dénomination de propriétés, normes techniques, encodage, caractère privé, droits d’auteur. Pourquoi le contenu d’Internet resterait-il seul isolé de tels concepts de gestion ? La réponse est qu’il ne le peut pas. Un motif primordial de la dispute qui fait rage dans ce domaine tient à la lutte entre ceux qui considèrent uniquement la primauté du “Droit à la Liberté d’Expression du Premier Amendement Américain” et ceux qui soutiennent que la question de liberté d’expression est un droit important dans toute société démocratique, mais que ce n’est qu’un droit parmi d’autres, et que l’intérêt public exige qu’on équilibre stabilité, ordre, protection des droits de l’homme et droits à la vie privée etc., afin d’aboutir à un gouvernement sain. La présentation Spry Memorial de 1997 du Dr Robert McChesney contient un commentaire important sur le mauvais usage qui a été fait du Premier Amendement Américain ces dernières années :
« …le Premier Amendement de la Constitution américaine a été considéré, au cours des trente dernières années, comme un outil, tant juridique qu’idéologique, pour les médias commerciaux et les intérêts publicitaires. En conséquence, le lien du Premier Amendement avec la démocratie est par moments si lointain qu’il est devenu quasi-inexistant. Et ce n’est pas un problème uniquement pour les Etats-Unis. Ce Premier Amendement néo-libéral, si l’on veut, sous-tend beaucoup de la réflexion sur les médias commerciaux, qui est implicite dans des accords de commerce mondiaux comme le NAFTA et le GATT. Il stipule, essentiellement, que les entreprises de médias sont über alles. Pour moi, cette transformation du Premier Amendement est une déformation grotesque, à la Orwell, par le biais de laquelle le système des médias sanctifie des résultats plus appropriés à un monde dirigé par les édits de Goebels qu’à un monde attaché aux préoccupations traditionnelles d’une démocratie libérale » (69).
J’admets sans réserves que je défends la thèse de l’équilibre entre toutes ces différentes composantes. J’accorde beaucoup de valeur à la liberté d’expression et je n’aime pas particulièrement que ma propre liberté d’expression soit réduite. Toutefois, en tant que père et grand-père, j’accorde tout autant de valeur à mon droit de garantir que ma famille soit protégée d’influences indésirables, notamment lorsque les enfants sont dans leurs années formatrices. Nous n’avons pas de devoir plus important dans la vie, que ce soit en tant que parents, grand-parents, enseignants ou experts en communications que celui de prendre soin et d’éduquer nos futurs citoyens. Nous sommes les gardiens de la civilisation que nous avons héritée, et nous avons le devoir de faire de notre mieux pour préparer une autre génération à faire progresser cette civilisation. Internet est peut-être le média le plus remarquable de notre millénaire qui puisse nous aider- mais nous aurons échoué si nous permettons qu’il devienne une mer des Sargasses d’eaux sombres dans laquelle les enfants seront les victimes de pirates cyber-pornographiques et dans laquelle les parents et éducateurs deviendront un public désemparé et impuissant devant l’enlèvement cybernétique de ceux dont ils ont la garde.
Mémorandum de Munich et recommandations sur l’auto-régulation du contenu d’Internet
Je suis de ce fait, absolument convaincu que les parlements nationaux et les organismes du secteur doivent travailler ensemble à l’élaboration de schémas d’auto-régulation et de co-régulation pour Internet qui puissent s’insèrer dans un cadre plus large de coopération internationale. J’ai été ravi cette année d’avoir été un membre du Réseau d’Experts Internationaux de la Fondation Bertelsmann sur l’Auto-Régulation du Contenu d’Internet. Lors du Sommet mondial sur le contenu d’Internet à Munich du 9 au 11 septembre 1999, les principes importants suivants furent reconnus :
- des mécanismes doivent être développés afin de traiter les aspects potentiellement néfastes d’Internet tout en préservant les aspects qui offrent une portée extraordinaire d’amélioration de la façon dont nous vivons aujourd’hui.
- ces mécanismes doivent reposer sur une communication dynamique entre le public, le secteur et le gouvernement, afin de réaliser un cadre de travail qui fonctionne pour l’auto-régulation du secteur, avec une portée nettement internationale mais capable de traiter effectivement les préoccupations nationales et régionales.
- des codes de conduite doivent être élaborés et adoptés pour garantir qu’Internet soit responsabilisé envers les préoccupations de la communauté quant à la responsabilité sociale et de la qualité du service.
- La responsabilité d’assurer que les codes de conduite soient efficaces doit aussi être partagée avec Internet. Ces codes doivent être mis en vigueur par des organismes auto-régulateurs largement représentatifs et qui soient activement impliqués dans la consultation des consommateurs et des citoyens afin d’offrir les principes promis.
- Parce qu’ils se rendent compte des limites pratiques de l’auto-régulation d’Internet, les gouvernements doivent aider les organismes auto-régulateurs à mettre en vigueur leurs codes de conduite, tant dans le domaine des poursuites judiciaires que dans le développement de la prise de conscience de la part du public par le biais de l’éducation ; ils doivent garantir que ces mécanismes auto-régulateurs existent et soient faciles d’accès, par des moyens comme des lignes d’appel spéciales, et que des mécanismes individuels de filtrage et de blocage du contenu d’Internet soient disponibles pour les utilisateurs intéressés.
- le développement d’une technologie de filtrage permet de partager la responsabilité de régulation du contenu d’Internet, la faisant passer du domaine du gouvernement à celui des organismes de régulation et des superviseurs, à celui des personnes individuelles concernées.
- la conception d’une technologie de filtrage qui soit couronnée de succès doit respecter les valeurs de liberté d’expression.
- pour garantir que les utilisateurs puissent réagir de façon efficace au contenu problématique et souvent illégal d’Internet, un système de communication confidentielle doit être élaboré qui puisse évaluer la légalité d’un domaine préoccupant donné. Un tel système, par le biais de lignes d’appel spéciales, par exemple, exige une structure d’opération qui les protège de la responsabilité civile encourue dans la conduite de leurs opérations (un “port sûr”).
- En s’engageant à une notification réciproque entre des lignes d’appel spéciales, et en parvenant à un accord sur des normes minimales pour répondre aux préoccupations portant sur le contenu, un réseau de coopération international peut être développé afin d’agir sur le contenu là où il se trouve.
- Le cadre régulateur juridique de chaque pays doit placer des limites réalistes aux types de responsabilité encourue tant par les utilisateurs que par les fournisseurs. Le cadre doit garantir qu’il n’y ait pas de responsabilité criminelle pour un simple accès au contenu d’Internet, et que les fournisseurs de réseaux ne soient pas tenus responsables des transmissions de contenu illégal qui ont lieu en temps réel sur leurs réseaux, ou du contenu illégal stocké dans leurs sites à leur insu.
- Des organismes techniquement capables de faire appliquer les lois sont nécessaires pour lutter contre les crimes de l’informatique et le contenu illégal comme la pornographie d’ enfants sur Internet.
- L’auto-régulation suppose qu’Internet puisse développer un système d’éducation et d’évaluation continue de ses utilisateurs. Une composante de ceci est un effort continu pour faire prendre conscience, en-ligne et hors-ligne, des mécanismes d’auto-régulation et juridiques disponibles pour le public sous la forme de systèmes de filtrage et lignes d’appel spéciales.
Je soutiens fermement les idées maîtresses du Mémorandum de Munich. Je tire un réconfort du document que Patricia Aufederheide a reproduit dans son ouvrage : “Communications et Intérêt Public”. Le document est intitulé “Technoréalisme” et a pour troisième principe de base des nouvelles technologies:
Contrairement à certaines revendications, le cyber-espace n’est pas une juridiction séparée de la terre. Bien que les gouvernements doivent respecter les règles et coutumes qui se sont développées dans le cyber-espace, et ne doivent pas étouffer cet univers par une régulation ou une censure inefficace, il est ridicule de prétendre que le public n’a aucune souveraineté sur les agissements en-ligne d’un citoyen fourvoyé ou d’une société frauduleuse. En tant que représentant du peuple et gardien des valeurs démocratiques, l’état a le droit et la responsabilité d’aider à l’intégration du cyber-espace dans la société conventionnelle. (70)
9.2 – Plan australien pour la co-régulation du contenu en-ligne
Dans les deux années qui suivirent la mise en place de l’ ‘Australian Broadcasting Authority’ dans le cadre de la nouvelle législation de régulation de la diffusion de 1992, certains demandaient déjà que la croissance en expansion rapide d’Internet soit soumise à une forme donnée de contrôle régulateur en Australie. En juillet 1995, pour répondre aux préoccupations soulevées devant le contenu qu’offrait Internet, le Ministre des Communications et des Arts de l’époque demanda à l’ ABA d’ouvrir une enquête sur le contenu des services d’information et de divertissement en-ligne, y compris les services d’Internet.
Lorsqu’elle organisa cette enquête, l’ABA mit l’accent sur la compréhension de la technologie et des services relatives à Internet, ainsi que sur la façon dont les services en-ligne étaient introduits dans les foyers et les écoles. L’ABA tenta d’assurer que toute proposition pour le développement d’un cadre régulateur des services en-ligne soit pratique et appropriée à l’environnement en-ligne et réponde aux besoins identifiables de la communauté.
Pour ce faire, l’ABA consulta de nombreux représentants de la communauté en-ligne, y compris des fournisseurs de services en-ligne, des fournisseurs et utilisateurs de contenu, des compagnies, des départements du gouvernement, des experts universitaires, des organismes d’éducation, des organisations communautaires et des personnes individuelles.
L’ABA présenta son rapport au Ministre en juin 1996. Il reconnaissait que différentes approches étaient nécessaires, d’une part pour le contenu en-ligne illégal, d’autre part pour le contenu en-ligne qui, bien que non-illégal, risquait de ne pas convenir à des enfants. Les trois recommandations clés du rapport furent :
- le développement de codes d’usages pour les fournisseurs de services.
- la mise en place d’un groupe de travail d’appellation en-ligne devant étudier le rôle d’un système d’appellation du contenu afin de protéger les enfants dans un environnement en-ligne; et
- le développement de stratégies d’éducation communautaire.
En juillet 1997, le Sénateur Richard Alston, nouveau Ministre des Communications et des Arts, et le Garde des Sceaux proposèrent les ‘Principes pour un Cadre Régulateur des Services En-ligne’, afin de recueillir les commentaires du public. L’intention du gouvernement était que le modèle régulateur proposé ne soit pas plus restrictif que ceux déjà en vigueur pour la télévision et les films.
Selon ces principes, le Commonwealth d’Australie aurait la responsabilité de réguler les fournisseurs de services Internet alors que les états et territoires auraient la responsabilité de réguler les fournisseurs de contenu.
En août 1997, le Ministre des Communications et des Arts demanda à l’ ABA de mener une enquête sur les questions liées aux dispositions régulatrices futures sur le contenu des services en-ligne.
En entreprenant cette deuxième enquête, l’ ABA poursuivit son dialogue avec le secteur en-ligne, les organismes du gouvernement concernés, les organisations éducatrices et communautaires de l’Australie et du monde. En février 1998, l’ABA mit en place le Groupe de Travail sur les Enfants et le Contenu En-ligne pour l’assister dans son étude des questions liées à la protection des enfants dans un environnement en-ligne. Ce groupe de travail comprenait toute une gamme de personnes ayant l’expérience de la fourniture de services et de contenu, des bibliothèques, des associations du secteur, de groupes communautaires, des enfants et des médias, et de la classification des films et des vidéos. L’ABA participa aussi à un groupe de travail qui étudia la création potentielle d’une ligne d’appel spéciale pour dénoncer le contenu illégal rencontré en-ligne en Australie. L’ ABA poursuivit ses travaux à l’échelon international en participant à la ‘Internet Content Rating Alliance’ et aux prédécesseurs de cette alliance, à plusieurs conférences internationales et autres forums, y compris l’UNESCO. L’ ABA contribua également à la réalisation des stratégies d’éducation nationale pour garantir que les Australiens qui se servaient de services en-ligne utilisassent ces services de la façon la plus efficace et productive, en développant le site web ‘Australian Families Guide to the Internet’ (guide des familles australiennes à l’internet).
L’ ABA présenta son rapport final au Ministre en décembre 1998. A la suite de la présentation dudit rapport, le Ministre des Communications, de l’Information et des Arts introduisit la loi ‘Broadcasting Services Amendment (On-line Services)’ de 1999, auprès de la Chambre des Représentants. Après un débat public et parlementaire animé, et à la suite de quelques amendements issus d’une consultation avec le secteur, la nouvelle législation prit force de loi au milieu de l’année.
La législation tente de donner à Internet en Australie le même genre de co-régulation que celui qui s’applique au secteur de la diffusion. L’ ABA a pour tâche d’être l’organisme régulateur indépendant qui doit travailler avec le secteur et la communauté afin d’ établir le nouveau régime co-régulateur.
Le système co-régulateur établi par la loi de 1999 (‘On-line Services’) traite les risques associés au contenu illégal et au contenu non convenable pour des enfants, ceci par le biais d’une gamme d’actions régulatrices. Le système repose sur l’élaboration de codes d’usage par le secteur et sur l’opération d’une ligne d’appel spéciale pour les plaintes auprès de la ABA.
La législation ajoute trois nouveaux objectifs d’intérêt public à ceux stipulés à la section s.3 de la loi ‘Broadcasting Services Act’. Il s’agit de :
- fournir un moyen de traiter les plaintes sur un contenu donné d’Internet;
- restreindre l’accès au contenu d’Internet susceptible d’offenser un adulte d’attitude raisonnable;
- protéger les enfants devant un contenu d’Internet qui ne leur soit pas destiné.
En jouant ce rôle, l’ ABA doit se laisser guider par les principes établis dans la législation, qui visent à minimiser le fardeau financier et administratif du secteur et à encourager la fourniture de services offerts par Internet, selon des normes de performance qui répondent aux besoins de la communauté: s.4 (3) stipule que :
Le parlement australien a également l’intention de réglementer le contenu d’Internet dont l’Australie est l’hébergeur de site, ainsi que les services offerts par Internet à des utilisateurs finaux en Australie d’une façon:
(a) qui permette de répondre à des considérations d’intérêt public de manière à ne pas imposer un fardeau financier et administratif superflu aux hébergeurs de contenu d’Internet et aux fournisseurs d’accès à Internet; et
(b) qui permette de recevoir les changements technologiques; et
(c) qui encourage:
(i) le développement de technologies d’Internet et leur mise en œuvre; et
(ii) la fourniture de services rendue possible pour la communauté australienne par le biais de ces technologies; et
(iii) la fourniture de services offerts par Internet avec des normes de performance qui répondent raisonnablement aux besoins industriels et commerciaux de la communauté australienne.
Le plan s’applique aux activités des fournisseurs d’accès à Internet (ISP en anglais) et aux hébergeurs de site Internet (ICH en anglais) uniquement. Le gouvernement a précisé qu’il comptait encourager les états et territoires à élaborer une législation uniforme qui servira de complément à la législation fédérale du Commonwealth et qui couvrira les activités des utilisateurs et des créateurs de contenu. Je remarque que l’Australie méridionale et le territoire de la capitale australienne ont lancé un projet de modèle de législation pour recueillir les commentaires du public.
Le régime de co-régulation fonctionne sur la base de plaintes – il établit un cadre dans lequel ceux que préoccupe un contenu Internet donné peuvent déposer plainte et cette plainte sera examinée. L’ ABA opérera une ligne d’appel spéciale pour les plaintes à partir du 1er janvier 2000 et commencera à enquêter sur ces plaintes dès cette date.
L’ ABA n’est pas tenue de rechercher ni de traiter tout le contenu Internet qui pourrait être prohibé.
La loi définit le contenu prohibé comme étant un matériel classifié RC (‘refused classification’, classification refusée, c’est à dire matériel illégal dans n’importe quel média) ou X (c’est à dire matériel sexuellement explicite) par le conseil de classification national de l’Australie. Le contenu dont l’Australie est hébergeur et classifié R (c’est à dire matériel considéré inapproprié pour des personnes de moins de dix-huit ans en raison de violence, langage, contenu sexuel, thèmes adultes ou autres) mais qui ne dispose pas d’un mécanisme de vérification du statut adulte de l’utilisateur afin de restreindre l’accès sera également prohibé.
L’action qui sera prise concernant le contenu prohibé et sujet à plainte diffère selon que l’hébergeur de site se trouve en Australie ou à l’étranger. Si l’Australie est hébergeur de site, l’ ABA doit émettre une notification pour que l’hébergeur du contenu retire le matériel concerné. Si l’hébergeur est étranger, l’ABA doit notifier les fournisseurs d’accès à Internet (ISP) qui devront agir conformément à leurs codes d’usage (je reviendrai sur ce sujet ultérieurement). Si l’hébergeur est étranger et que le cas est suffisamment grave (par exemple matériel illégal comme la pornographie d’enfants), l’ ABA soumettra le matériel à l’organisme de mise en vigueur des lois approprié.
Il est important de noter ici que les décisions de l’ ABA arrêtées en fonction du plan régulateur sont soumises aux processus administratifs et juridiques de révision, à savoir révision par le ‘Tribunal d’Appel Administratif’, ainsi que révision juridique par le gouvernement fédéral.
Il est également important de noter que, bien que le secteur supporte les coûts de la mise en conformité, elle ne supporte pas ceux liés à la classification de matériel à la suite d’un processus de plainte.
Une composante clé, et exemple de la nature co-régulatrice du plan, réside en le développement de codes d’usage du secteur pour gérer les activités des fournisseurs d’accès à Internet (ISP) et des hébergeurs de site (ICH). Le secteur doit consulter la communauté pour élaborer ces codes. L’ ABA enregistre les codes, pour autant qu’elle soit satisfaite que le secteur ait entrepris une consultation adéquate de la communauté et que les codes renferment des mécanismes appropriés de protection de la communauté.
L’ ABA est actuellement en pour-parlers avec les associations du secteur, pour la mise en oeuvre du nouveau plan qui présente des défis. Ce faisant, elle doit garder à l’esprit tant les objectifs d’intérêt public précis de la BSA que le programme plus large et plus général d’intérêt public de l’ ABA.
10 – Résumé et conclusions
Je suis convaincu que cette vue d’ensemble de la régulation de la diffusion, et des questions d’intérêt public depuis les années 20, et notamment aux Etats-Unis, au Canada, au Royaume-Uni et en Australie, souligne le fait que même dans une ère supposée de “richesse de chaînes”, les données fondamentales sont restées les mêmes dans la diffusion, tant dans les années 20 et les décennies suivantes, qu’ à la fin du vingtième siècle. La diffusion, et aujourd’hui Internet, font usage de la propriété publique, des ondes et de la largeur de bande. La diffusion , et maintenant Internet, apparaissent clairement comme étant des moyens de communication de masse d’une nature particulièrement indiscrète. Ils pénètrent dans nos foyers et nos lieux de travail, exercent des influences notoires sur la vie publique et les cultures nationales. Leur contenu a été, et les dernières recherches le confirment pour Internet, qu’il demeure sujet de préoccupations profondes du public qui souhaite voir préservées et enrichies les cultures nationales, et les jeunes protégés par rapport à un matériel inapproprié.
Il est essentiel que les politiciens et les législateurs, lorsqu’ils révisent les règles existantes et en élaborent de nouvelles dans le domaine de la diffusion et d’Internet, revoient et reprécisent les objectifs d’intérêt public censés devoir s’appliquer à ces secteurs et à leur gestion. Des références généralisatrices de l’intérêt public seraient moins efficaces qu’une formulation claire des préoccupations relatives au processus que les législateurs tentent de faire progresser.
Les parlements nationaux dans les systèmes démocratiques comme ceux de l’Australie, du Royaume-Uni et du Canada offrent le seul exutoire constitutionnel légitime pour répondre aux préoccupations du public et il est tout à fait approprié, même à une époque d’internationalisation croissante de la diffusion et maintenant d’Internet, que ce soient ces parlements nationaux qui établissent les cadres de la régulation de ces questions au sein de leurs frontières nationales.
Cependant, il est tout aussi clair que des activités à caractère ‘sans frontières’ telles qu’Internet, doivent être régies par des règles qui reflètent les développements majeurs prenant place dans d’autres régions du monde. Des colloques internationaux sont nécessaires, et ont lieu en ce moment-même, afin de permettre aux gouvernements, aux secteurs, aux utilisateurs et aux communautés d’aider à modeler des règles appropriées pour les nouveaux médias tels qu’Internet.
Les plans co-régulateurs et auto-régulateurs qui traitent ces questions semblent exiger la présence d’un arbitre pour surveiller le fonctionnement efficace de ces plans et traiter les plaintes du public. Il est opportun que ces arbitres aient la sagesse d’interpréter les objectifs d’intérêt public de tels plans afin de décider s’ils s’appliquent ou non dans des circonstances données. De tels organismes seront aidés par une formulation claire des objectifs d’intérêt public de la législature afin de guider le régulateur dans ses efforts pour favoriser le bien public dans des cas particuliers.
Tant en ce qui concerne la diffusion, un secteur bien établi, qu’Internet, dont l’emploi est si diffus, il apparaît que le moyen le plus approprié de traiter des questions de gestion réside dans une interaction consultative saine entre les gouvernements, les régulateurs, le secteur et la communauté, dans le cadre de plans d’auto ou de co-régulation. Alors que les législateurs considèrent probablement que l’auto-régulation du secteur soit l’orientation raisonnable que doit suivre le secteur des communications, il est difficile de comprendre comment de tels plans peuvent être réellement efficaces sans que l’on prévoie des arbitres dans le secteur et une soupape de sécurité des processus de plaintes publiques. Bien qu’aux Etats-Unis le Premier Amendement de la Constitution permette au lobby de la liberté d’expression de dominer le débat sur l’auto-régulation, d’autres pays dotés de systèmes démocratiques sains et de processus vigoureux de libre expression peuvent rechercher un équilibre plus approprié entre le droit à la liberté d’expression et le droit des communautés d’encourager leurs cultures nationales et régionales et de protéger leurs enfants devant un contenu néfaste. Il n’y a pas de voie unique qu’un pays puisse suivre pour faire progresser ces sujets. En Australie, nous tentons actuellement de mettre les services en-ligne sur le même pied que la diffusion, et nous appliquons un cadre co-régulateur qui est dirigé par d’importantes considérations d’intérêt public. Je crois que c’est là un système louable à beaucoup d’égards. D’autres pays prendront leurs propres décisions sur ce qui répond le mieux aux besoins de la communauté et du secteur pour cette activité. Cependant, je suis absolument convaincu qu’à la fin du vingtième siècle, il est temps pour nous tous, qui nous préoccupons de ces sujets, de réaffirmer notre foi en l’importance souveraine de l’intérêt public, afin de garantir que des secteurs de communications forts et sains soient dirigés pour le bien public.
(1)Vaclav Havel cité dans Jacob Heilbrunn “Why Sovereignty is overrated: Borderline Insanity.” New Republic, 28 juin 1999:33.
(2)Bernard Manin. “On Legitimacy and political deliberation”. New French Thought. Mark Lilla (ed) (Princeton, New Jersey: Princeton University Press, 1994): 193-194.
(3)Jean-Jacques Rousseau. Du Contrat Social.(Genève, Editions du Cheval Ailé, 1947) 4:2, 441 et 2:3, 371.
(4)Rousseau. 2:3, 371.
(5)”Virginia Declaration of Rights” The Annals of America . Mortimer Adler (ed) (Chicago: University of Chicago, 1968) 2:432
(6)Gouvernement du Commonwealth australien. Broadcasting Services Act 1992 s.4 (2).
(7)Herbert Hoover cité à http://www.benton.org/PIAC/intro.html
(8)Frank W. Peers. The Politics of Canadian Broadcasting 1920-1951. (Toronto: University of Toronto Press, 1969): 11
(9)Sydney Head, Christopher H Sterling et Lemuel B Schofield. Broadcasting in America. (Boston: Houghton Mifflin, 1994):41
(10)W. Hoffman-Rien. Regulating Media . (New York, London: The Guilford Press, 1996): 15
(11)Head, Sterling et Schofield. 463
(12)Patricia Aufderheide. Communications Policy and the Public Interest. The Telecommunications Act of 1996. (New-York, London: The Guilford Press, 1999):104
(13)Aufderheide. 104-105.
(14)Vincent Mosco. Broadcasting in the US. (Norwood, New Jersey: Ablex Publishing Company, 1979): 14-15.
(15)Peers. 31
(16)Peers. 33
(17)Gouvernement du Canada. Canadian Radio Broadcasting Act 1932 ss.8 et 9.
(18)Peers. 91
(19)citation des débats parlementaires canadiens, 18 mai 1932: 3035-6 de Frank Peers. 102
(20)Gouvernement du Commonwealth australien. Constitution australienne. Article 51 (v).
(21)B.G. Cole. “The Australian Broadcasting Control Board and the regulation of Commercial Radio in Australia since 1948” Thèse de PhD, Université de Sydney, 1967; Ann Arbor, Michigan, Microforme Xerox, 21.
(22)Cole. 28
(23)Cole. 28
(24)Michael Tracey. Public Service Broadcasting. (Oxford: Oxford University Press, 1998): 11.
(25)le rapport Sykes est cité dans Burton Paulu. Television and Radio in the United Kingdom (London: Macmillan, 1981): 8.
(26)Paulu. 9.
(27)Lord Annan. Parliament of the United Kingdom. Report of the Committee on the Future of Broadcasting.
(28)Annan. 9.
(29)Paulu. 29.
(30)Paulu. 64.
(31)Paulu. 82.
(32)Paulu. 65.
(33)Annan. 19.
(34)Annan. 26.
(35)Annan. 26.
(36)Annan. 27.
(37)Annan. 39.
(38)Paul Bonner et Lesley Aston, Independent Television in Britain: Volume 5 ITV and IBA 1981-1992. (London: Macmillan, 1998): 351.
(39)Bonner et Aston. 351.
(40)Bonner et Aston. 351.
(41)Bonner et Aston. 372.
(42)Gouvernement du Royaume-Uni. ‘Broadcasting Act 1990’.
(43)Gouvernement du Royaume-Uni. ‘Broadcasting Act 1990’.
(44)Rapport annuel, ITC, 1998, introduction du Président.
(45)Marc Raboy. Missed Opportunities: The Story of Canada’s Broadcasting Policy. (Montréal: McGill Queen’s University Press, 1990): 25.
(46)Raboy. 28
(47) Raboy 36.
(48)Raboy. 45-46.
(49)Raboy. 171.
(50)Gouvernement du Canada. Broadcasting Act 1968 s.2((g)iv).
(51)Raboy. 241.
(52)Raboy. 241-242.
(53)Raboy. 243.
(54)cité par Raboy op. cit. p. 245.
(55)cité par Raboy op. cit. p. 283.
(56)Raboy, 283.
(57)Gouvernement du Canada. Broadcasting Act 1991. s.3.
(58)Gouvernement du Canada. Broadcasting Act 1991. s.5.
(59)Raboy. 311-312.
(60)Marcelino Oreja, Membre de la Commission Européenne. Discours présenté lors d’un colloque sur l’auto-réglementation dans les médias, Saarbrücken, 19-21 avril 1999.
(61)cité dans Robert Alban et Franco Papandrea. Media Regulation in Australia and the Public Interest. (Melbourne: Institute of Public Affairs, 1998): 3.
(62)Durie et Catterns. Broadcasting Law and Practice. (Sydney: Law Book Company, 1987) 1: 316-319.
(63)cité par Alban et Papandrea. 3.
(64)Durie et Catterns. 1:323.
(65)Marcelino Oreja, Membre de la Commission européenne. Discours présenté à l’occasion du colloque sur l’auto-régulation dans les médias, Saarbrücken, 19-21 avril 1999.
(66)Gouvernement d’Irlande. Active or Passive? Broadcasting in the Future Tense: The Irish Green Paper on Broadcasting. Dublin: Government of Ireland Printer, 1995: 144.
(67)Geoffrey Barker. “Europe lifts the lid on Australian intelligence” The Australian Financial Review, 14 mai 1999; et le Parlement Européen. An Appraisal of the Technologies of Political Control: STOA Interim Study Executive Summary September 1998, disponible auprès de
http://www.europarl.eu.int/dg4/stoa/en/publi/166499/execsum.htm
(68)Machill, Marcell et Jens Waltermann. “Risk-Assessment and Opinions concerning the Control of Misuse on the Internet” Protecting our Children on the Internet: Towards a new culture of responsibility. Gütersloh: Berterlsmann Foundations Publishers, 1999.
(69)Robert W. McChesney. “The Mythology of Commercial Broadcasting and the Contemporary Crisis of Public Broadcasting” Présentation Spry Memorial de 1997, Montréal, 2 décembre 1997, 3-4. Disponible auprès de
http://www.fas.umontreal.ca/COM/spry/spry-rm-e/html
(70)Aufderheide. annexe F. 258.
Adler, Mortimer (ed). “Virginia Declaration of Rights” The Annals of America. Chicago: Encyclopedia Britannica, Inc, 1968.
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Gareth Grainger
M. Gareth Grainger est vice-président de la ” Australian Broadcasting Authority ” (ABA) et président du Comité international du Forum de recherche sur les jeunes et les médias. Il est également président des comités de la ” On-Line “, des politiques et des stratégies, des codes et des normes et des comités juridiques et d’application de l’ABA, en plus d’être un membre associé de la ” Australian Comminications Authority “.
De 1993 à 1997 M. Grainger était directeur général, politiques et programmes, à l’ABA. Il était précédemment un cadre supérieur du ” Special Broadcasting Service ” (SBS), le deuxième radiodiffuseur en Australie. Il détient une maîtrise en droit, avec une mention ” Honours ” en droit international et a été un professeur associé invité à la ” Bond University School of Law “.
M. Grainger a représenté l’ABA aux principaux forums nationaux et internationaux et a grandement contribué au développement de rapports étroits entre l’ABA et d’autres régulateurs nationaux de radiodiffusion en Australie et outre-mer. Sa vaste expérience dans la réglementation fournira une riche perspective sur les défis qu’affrontera la radiodiffusion la veille du nouveau millénaire.